L'impuissance chez l'homme : encore un tabou
Plus de 25 ans après la sortie du Viagra, le tabou de l'impuissance peine encore à se démocratiser. Tant mieux car, si l'on en croit les statistiques, plus de 40 % des hommes de 40 à 70 ans connaissent, à des degrés divers, des problèmes d'insuffisance érectile. 10 % seraient vraiment impuissants. Avec l'arrivée du premier médicament oral de l'impuissance, les hommes sortent de leur réserve. Mais beaucoup se soignent encore en cachette : une fois sur deux, l'homme le fait à l'insu de sa compagne.
Car lorsqu'il se sent devenir impuissant, l'homme est blessé au plus profond de lui.
Un homme impuissant = homme blessé…
En effet, l'homme pense que sa capacité à avoir une érection est la preuve de sa virilité. Lorsqu'il la perd, il a l'intime conviction qu'il n'est plus un homme ! Or la femme, qui en douterait, joue un grand rôle dans la réussite du traitement.
Sylvie et Patrick, âgés respectivement de 62 et 63 ans, en apportent le témoignage. Veufs tous les deux, ils se sont rencontrés chez des amis. « Au tout début de notre relation, raconte Sylvie, Patrick m'a prévenu que, depuis la perte de sa femme, il était devenu impuissant. J'ai pensé qu'il s'agissait d'un problème psychologique que je pourrais lui faire passer ! »
Retrouver une tendre complicité pour lutter contre l'impuissance
« Avec mon mari, l'activité sexuelle était quelque chose de très important. J'ai fait preuve de beaucoup de patience et de compréhension, mais cela n'a pas suffi, nous n'arrivions pas à faire l'amour. J'en ai été très peinée car j'ai pensé que Patrick ne me désirait pas, poursuit Sylvie. Mais il était tendre, attentionné, et j'ai fini par comprendre que le problème était seulement mécanique.
Nous en avons parlé, sans dramatiser et j'ai réussi à convaincre Patrick d'aller consulter un médecin. Ce dernier lui a prescrit un médicament qui n'a rien amélioré. J'ai suggéré à Patrick que nous allions, ensemble, consulter un sexologue. Il lui a prescrit du Viagra. Nous sommes partis en vacances quelques jours plus tard. Patrick a pris son médicament, tranquillement.
Je me suis montrée très tendre et, un soir, le déclic s'est produit. Notre étreinte a été totale. Nous étions étonnés, comme des enfants ! Patrick m'a chuchoté "J'ai retrouvé le soleil" ! » Tous les médecins le constatent en consultation, le médicament seul ne fait pas de "miracle".
Les "réussites" passent aussi par la complicité du couple. Un homme qui devient impuissant est un homme angoissé. Il demande donc avant tout d'être rassuré. Or qui mieux que sa compagne peut le faire ?
Dans nombre de ca la femme tient une place essentielle dans le traitement. Plus elle s'investira, plus elle mobilisera son partenaire. Et plus les chances de guérison et de sauver leur couple seront grandes.
Consulter à deux
C'est aussi l'avis du Dr Babin, médecin sexologue. Selon ce spécialiste, les troubles érectiles sont un problème de couple qui doivent pouvoir se résoudre au sein du couple.
Que peut faire la femme, lorsqu'elle est confrontée à ce problème ? Comment peut-elle aider son mari, son compagnon ? Sans avoir de mode d'emploi idéal, il y a des erreurs à éviter.
Ne lui dites pas : "ce n'est pas grave, ça ira mieux la prochaine fois"
Si votre compagnon commence à avoir des "pannes" sexuelles, ne lui dites surtout pas : "Ce n'est rien, juste un peu de fatigue, cela ira mieux la prochaine fois."
Rien n'est moins sûr. Car l'angoisse de ne pas réussir conduit à l'échec. Chez l'homme impuissant, il y a compétition entre désir et peur de l'échec, ce qui déclenche toutes sortes de réactions hormonales, rendant l'érection impossible.
Celle-ci ne pourra avoir lieu que lorsqu'il sera "déconditionné", ce qui demande du temps, environ deux mois, selon le Dr Babin. C'est le temps qu'il faut pour obtenir au moins dix rapports sexuels réussis, au-delà desquels l'angoisse de la performance finit par s'effacer.
N'attendez pas qu'il soit trop tard pour réagir en cas d'impuissance
L'homme blessé a tendance à se replier sur lui. Si c'est le cas de votre compagnon, ne pratiquez pas la politique de l'autruche. Faire comme si de rien n'était, sans oser aborder le problème, n'arrangera rien et la situation risque de se dégrader de plus en plus. Quand on ne parle plus d'amour, on devient agressif. On se suspecte, on se dispute et on peut finir par se haïr.
Mieux vaut regarder, avec un peu d'objectivité et beaucoup de tact, la situation en face. Vous devez pouvoir dire à votre compagnon que vous êtes tout à fait disposée à l'aider pour sauver votre relation amoureuse. À trop attendre, la rupture risque d'être inévitable
N'imaginez pas que c'est de votre faute, encore moins qu'il ne vous aime plus !
Souvent, la femme culpabilise. Comme Muriel qui, trois mois après la naissance de son enfant, s’inquiète du désintérêt de son mari. « C'est sûrement de ma faute, pense-t-elle, j'ai été trop préoccupée par mon bébé. À plusieurs reprises, j'ai repoussé les avances de mon mari. Résultat : aujourd'hui, il ne m'aime plus. Pas étonnant qu'il me trouve moins désirable, j'ai grossi et j'ai du mal à retrouver la ligne. »
C'est une erreur d'appréciation. En fait, Muriel culpabilise. À tort. Les kilos ne sont pas la cause du problème. Ce genre de malaise est fréquent chez un jeune couple. Avec un peu de bonne volonté et de compréhension de part et d'autre, tout peut recommencer.
Ne croyez pas que "c'est normal avec l'âge"
Beaucoup d'hommes et de femmes croient dur comme fer que la sexualité s'émousse avec l'âge. Ce que semblent confirmer les statistiques les plus récentes : l'activité sexuelle, chez les hommes et les femmes, passerait de près de 9 rapports sexuels parfois, entre 20 et 39 ans, à 5 après 60 ans.
Or, aucune étude fondée ne permet d'affirmer que l'âge doit contraindre au renoncement. Il s'agit, là encore, d'une idée reçue qui perturbe notre vision de notre sexualité. L'âge ne doit plus constituer un handicap.
Bien sûr, dans ce domaine, il n'existe pas de règle définitive. Avec les années, certains hommes et certaines femmes peuvent très bien se satisfaire de la tendresse. Et pourquoi pas ? En revanche, lorsqu'un homme et une femme souffrent de l'absence de relations sexuelles dans leur couple, il est normal et sain qu'ils recherchent, ensemble, des solutions. Car elles existent !
Un médecin conseillera à l'homme victime de pannes sexuelles répétées le traitement qu'il jugera le mieux adapté à son cas : un traitement oral par sildenafil (le désormais célèbre Viagra) ou un traitement local par injections intracaverneuses d'alprostadil (prostaglandine I).
Les piqûres dans la verge peuvent, a priori, poser problème. Il est normal qu'un homme ait peur de pratiquer ce geste. Une peur qu'il vaincra très vite après avoir été bien informé par son médecin et après une initiation à la piqûre à son cabinet. Il s'agit d'un acte simple, indolore, comparable aux piqûres d'insuline que se font les diabétiques.
Si l'homme le souhaite et si la femme y consent celle-ci peut lui faire les premières piqûres et lui apprendre à les faire lui-même. La femme est capable de telles initiatives.
Ne soyez pas "jalouse" du médicament
On pourrait croire qu'avec son médicament, l'homme soit tiré d'affaire. Hélas, ce n'est pas toujours le cas. Car si l'homme est toujours satisfait d'avoir retrouvé sa capacité d'érection, la femme, elle, peut se demander si cette érection n'est pas seulement due au médicament. Elle y voit alors un rival chimique, se sent "utilisée" et peut donc, dans ces conditions, refuser tout contact sexuel.
Là encore, il faut oser se parler, reprendre confiance l'un envers l'autre, tout faire pour que tout recommence comme avant. En réalité, le médicament contre l'impuissance (sous forme de pilule ou d'injection) n'est qu'un moyen pour redonner à votre compagnon la possibilité physique de remplir sa fonction sexuelle. Ce n'est pas son désir qui est atteint, mais c'est seulement sa capacité à l'exprimer physiquement.
Le désir, c'est toujours vous qui le suscitez. Même en l'absence d'érection, le désir, lui, peut rester très fort.
Cessez de vous torturer l'esprit face à l'impuissance
Au lieu de vous torturer inutilement l'esprit, dites-vous que l'érection est l'anticipation du plaisir. Pour qu'elle se produise, il faut aussi qu'il y ait excitation. Si votre compagnon est envahi par le désir et que vous refusez ses avances, il y a peu de chances pour que l'érection fonctionne.
L'excitation doit exister pour qu'à un moment donné le désir psychologique trouve un relais au niveau du corps. La relation sexuelle met trois circuits en jeu : celui du désir, de l'excitation et de l'érection.
Hommes et femmes s'imaginent souvent que l'érection n'est qu'un phénomène mécanique. Quelle erreur ! C'est au contraire un phénomène complexe. Presque tous les organes du corps y participent système circulatoire, nerveux, hormonal, sans oublier les sens, l'émotion et la mémoire.
Qu'un seul de ces éléments tombe en panne et c'est tout l'édifice qui s'effondre.
Rassurez-le... mais surtout sans le materner
Dans un premier temps, la meilleure chose que vous puissiez faire pour votre couple, c'est de rassurer votre homme mais, attention, faites-le sans le materner.
Pourquoi ? Parce que si vous mettez exclusivement en avant votre "côté maternant", comme disent les psychologues, dans les échanges relationnels avec votre conjoint, son désir peut être passagèrement bloqué.
En revanche, si vous avez pleinement conscience que l'érection ne va pas obligatoirement de pair avec le désir, et que ce dernier peut parfaitement exister sans manifestation physique sous la forme d'une érection, alors à ce moment-là vous pourrez plus facilement participer et retrouver du plaisir dans les jeux amoureux.
Ainsi, vous deviendrez plus complice, plus stimulante et, dans ce climat devenu plus favorable, votre compagnon aura toutes les chances de trouver à nouveau, tout naturellement, sa capacité d'érection.
En traversant à deux une période rendue difficile par des pannes sexuelles répétées, votre couple peut même s'en retrouver ragaillardi ! Les médecins spécialistes ont constaté maintes fois ce retournement positif dans ce genre de situation. « La santé sexuelle est une exigence légitime, reconnue par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 1972, affirme en conclusion le Dr Gabin. Le plaisir est un baume pour la vie. Tant que l'esprit peut vagabonder, la jeunesse est permise à tout âge. »
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