1. Oscillococcinum : l'anti-grippe familial
Deux Français sur trois connaissent Oscillococcinum sans forcément savoir qu'il s'agit d'homéopathie... Affecté depuis 1944 aux états grippaux. Il débute sa carrière sur un coup du hasard. En 1919, la France connaît une grave épidémie de grippe espagnole. un médecin, le Dr Roy, travaille alors sur une préparation de cœur et de foie de canard de Barbarie pour la recherche anticancer.
Or, après l'avoir instillée à quelques personnes, celles-ci sont préservées de la grippe... Intrigué, il se penche à nouveau dessus et observe ce qu'il croit être des bacilles de Koch "oscillants". En réalité, le microscope, mal réglé, lui donne cette impression vacillante. Nés d'une méprise visuelle, ces bacilles deviennent les oscillocoques.
Par la suite, Paul Chavanon, homéopathe, donnera à cette découverte toute la rigueur scientifique nécessaire à sa crédibilité médicale. En 1950, les frères Boiron rachètent le brevet du Dr Roy et le médicament prend le nom d'Oscillococcinum.
En 1998, un joli coup de pub inopiné lance le marché américain, jusque-là marginal : l'actrice britannique Jane Seymour confie à un magazine américain que, sur les conseils de son ami Robert de Niro, elle soigne ses coups de froid avec Oscillococcinum.
2. Marie Rose
Encore une paternité célèbre. Cette fois, c'est le père de l'écrivain Armand Salacrou, pharmacien au Havre, qui met au point ce révulsif anti-poux en 1921. Observant les fleurs de son jardin, M. Salacrou père remarque que ses pyrèthres, une espèce de chrysanthèmes, repoussent les insectes. Il en extrait l'essence et teste la formule sur la tête des petits écoliers... Les poux ne résistent pas au parfum des pyrèthres.
De là, il formule un shampooing auquel il trouve un slogan digne "La mort parfumée des poux", et le baptise Marie Rose (du prénom de sa fille d'après certaines sources).
Jusqu'en 1997, le produit vit une histoire tranquille. Cette année-là, en effet, le cyclone El Nino dévaste les champs de chrysanthèmes cultivées sur les hauts plateaux du Kenya. La production de Marie Rose est arrêtée pendant deux ans, faute d'approvisionnement...
3. L'Eau Précieuse : elle rejoue la guerre des boutons
Comment faire d'un produit pas très beau et qui ne sent pas très bon, LE produit que les adolescents achètent ? "L'Eau Précieuse, c'est moche, mais ça marche". Une communication "clin d'œil" destinée à séduire les ados tout autant que leurs mères... Souvenirs, souvenirs, Renée, 79 ans, se rappelle sans hésitation : « À 16 ans, oui, je l'ai utilisée, D'ailleurs, à l'époque, c'était à la mode, tous les jeunes de mon âge en mettaient. Et puis, ça ne marchait pas trop mal sur les petits boutons. » Et voilà comment débutent les traditions..
En 1890, l'Eau pas encore Précieuse est mise au point par M. Dépensier, pharmacien à Rouen. A base d'acide salycilique, elle dit soigner les maladies de peaux mais aussi les maux de jambes, tels les ulcères, les varices et l'eczéma. Le produit gagne vite en popularité grâce au bouche à oreille.
Mais dès les années 1950, on abandonne l'indication "varices' pour revenir à une communication plus réaliste : l'Eau Précieuse soigne désormais les petits problèmes de peau (boutons, points noirs, irritations, coups de soleil.) La formule, inchangée, survit à toutes les modes grâce à une tradition familiale très forte, et se permet un petit lifting pour son siècle d'existence : un actif végétal en plus, le paracrésol, participe à réguler la sécrétion de sébum.
4. La Sandale Scholl : Elle défile pour les stylistes branchés
Les infirmières la portent. Les cuisiniers aussi. Les commerçants, les artisans dans le Sud de la France ne peuvent s'en passer. Aujourd'hui, elle revient même en force chez les stars en pleine tendance "hippie chic". Son petit nom à elle, c'est Pescura. En bois vernis, avec bride blanche sur le dessus des orteils, cette sandale pour l'exercice des pieds est l'invention du docteur Scholl.
Au début du siècle, l'Américan William Scholl, pas encore docteur, vend des chaussures. Des centaines de pieds passent entre ses mains, en mauvais état et souffrant de déformations... Scholl, touché, décide alors de suivre des cours de médecine et, une fois son diplôme en poche, crée la première semelle orthopédique. Celle qui corrige les mauvais positionnements des pieds. 1906 : la podologie est née. Et le concept se vend si bien qu'il s'exporte en Europe.
D'abord à Londres (aujourd'hui le siège de la société), en 1910, et en France, dès 1919. Fin des années 60, la Pescura, première chaussure de la marque, débarque ici. Bon veinotonique, elle est vite adoptée par les professionnels en station debout toute la journée. La bride y joue un rôle essentiel. Placée très en avant du pied, elle oblige à une gymnastique constante des orteils.
À chaque pas, les petits muscles du pied, de la voûte plantaire et du mollet travaillent. Au look très "médical", la bride restera blanche jusqu'en 1996 (seule l'Angleterre ose les brides panthère, zèbre ou fluo) où, mode oblige, elle finit par prendre des couleurs : jaune, vert, mauve, bleu...
5. Jouvence de l'Abbé Soury : 250 ans de règne sur les jambes
Probablement le premier phlébotonique français à base de plantes. Au milieu du XVIIIe siècle, un jeune prêtre, l'abbé Soury, s'intéresse aux vertus médicinales des plantes. Sans doute inspiré par les confessions des femmes, il concocte une préparation destinée à rétablir une bonne circulation générale, et à calmer les maux de tête et vertiges prémenstruels. Le succès de l'élixir contribue à étendre la réputation de l'abbé Soury.
À la Révolution française, c'est du reste cette dernière qui le sauve de la prison : un député de L'Eure fait appel à lui pour soigner son mal, jugé incurable par les médecins. Grâce à l'abbé, il guérit. Officiellement reconnu comme bienfaiteur, il dispense ses remèdes jusqu'à sa mort en 1810. Ses descendants perpétueront la tradition et, à la fin du siècle dernier, son arrière-petit-neveu, Magloire Dumontier, pharmacien à Rouen, crée un laboratoire destiné à la commercialisation de la Jouvence de l'Abbé Soury
En 250 ans, la formule n'a pas changé d'un pouce (à base d'hamamélis, de viburnum, piscidia et calamus). Seule l'image du produit a évolué. En 1995, les laboratoires Chefaro Ardeval, co-propriétaires de la marque, lui donnent un grand coup de jeune.
Des campagnes de publicité sont mises sur pied ainsi que trois nouvelles formes galéniques : comprimés, gel de massage et bain douche.
Avec une initiative originale : chaque année, un styliste est choisi pour dessiner un pilulier.
6. Les Boules Quies : Pour ne plus les entendre ronfler
Avec elles, on trouve un peu de paix dans ce monde bruyant. La formule est vieille comme Ulysse, qui boucha les oreilles de ses hommes avec de la cire afin qu'ils n'entendent pas le chant des sirènes.
Quant à l'histoire moderne, elle débute en 1918 : à la demande de son épouse, un pharmacien du XVe arrondissement de Paris confectionne des petites "sourdines", en cire et coton. Il les propose également à ses clientes et, devant leur succès, les commercialise trois ans plus tard. 1921. Les années folles versent dans l'Antiquité, aussi est-il facile de leur trouver un nom : ce seront les Boules Quies, quies signifiant le calme en latin.
Sur le couvercle de la boîte, figure l'épervier emblématique, auréolé de hiéroglyphes égyptiens. Aujourd'hui, la formulation n'a pas changé !
Ce sont toujours des cires minérales amalgamées sur des mèches de coton. Mais la malléabilité a été améliorée : ferme à 20° C, la Boule Quies, une fois au contact de la main, prend la forme que l'on souhaite.
7. Dragées Fuca : S.O.S. constipation !
Qui vient de sourire au fond de la salle ? Personne n'a oublié "l'effet" Fuca : ça déconstipe ! D'ailleurs, c'est écrit dessus. Fuca vient du mot latin fucus, une algue riche en iode et mucilages laxatifs.
Mais si l'on connaît son origine étymologique, on ne sait pas d'où elle vient, peut-être début du siècle ou fin du XIXe siècle, ni qui l'a mise au point. Pendant l'entre-deux-guerres, elle doit ses premiers succès aux femmes qui l'utilisent comme produit amaigrissant. En 1978, elle passe à la postérité grâce à Coluche qui, dans son sketch sur la publicité, fait une comparaison sans équivoque : "C'est un peu comme les Bisons Futés, c'est pour éliminer les bouchons". Dès lors, la seule évocation des dragées Fuca fait sourire. Mais on les achète !