Ne pas en avoir honte
« J'ai 29 ans et ma femme 28 ans. Cela fait maintenant un an que nous souhaitons avoir un enfant. Ma femme a décidé de faire des tests pour voir si tout allait bien. Aucun problème particulier. Son gynécologue nous a finalement prescrit un test de Hühnerl. Les chiffres sont sans appel : 0,00 spermatozoïde (...). Le choc psychologique fut violent. » Victor, est un des rares hommes à accepter de se livrer sur son infertilité. Jusqu'à une période récente, il était impossible de parler de la stérilité masculine.
Pourtant, l'homme est seul en cause dans l'infertilité du couple dans environ 20 % des cas. Si l'on considère que cette infertilité a des origines chez les deux partenaires dans 40 % des cas, on peut dire qu'il est au moins en partie responsable de l'infertilité chez plus de la moitié des couples infertiles. Les femmes ont parfois eu à subir toute une série d'examens sur l'infertilité avant que l'on s'intéresse à leur partenaire, alors que les tests sont bien plus pénibles pour elles.
On ne sait pas pourquoi l'homme est infertile dans près de 40 % des cas. Sinon, deux causes sont identifiées : soit l'homme n'a pas de spermatozoïdes lors de l'éjaculation, et l'on parle d'azoospermie; soit il en produit, mais ils sont de mauvaise qualité.
Examen du sperme
En cas d'azoospermie, les examens consistent à déterminer si les testicules ne produisent pas de spermatozoïdes (testicules pas descendus, petits ou malformés) ou si leur parcours est simplement bloqué, suite à des infections ou des malformations des voies génitales.
Au vu des progrès des techniques de procréation médicalement assistée (PMA), le terme de "stérilité" masculine au sens strict ne peut s'appliquer qu'aux hommes n'ayant aucun spermatozoïde.
De 8 à 10 % des hommes ayant fait un examen de leur sperme ont une azoospermie. Chez ces derniers, on retrouvera dans 30 à 40 % des cas des spermatozoïdes dans les testicules. Pour les autres cas, il n'y a pas d'autre choix que de recourir au don de sperme ou d'envisager l'adoption.
Des spermatozoïdes pas assez nombreux
Plus de 4 000 couples par an font une demande de don de sperme pour un premier enfant, mais leur demande ne peut être satisfaite qu'après de longs mois d'attente, faute de donneurs.
Il en va autrement dans les cas, plus fréquents, où la spermatogenèse a bien lieu, même de manière peu satisfaisante, et où elle reste possible. On parle alors d'oligo-astheno-teratospermie (OATS) : oligo pour des spermatozoïdes peu nombreux, astheno pour peu vivaces et terato pour anormaux. Mais certains hommes atteints d'OATS parviennent à procréer si leur femme est très fertile.
Pour ce genre d'affection, il n'existe pratiquement pas de traitements médicamenteux pouvant restaurer la production de spermatozoïdes. Chaleur excessive des testicules, infections, surpoids, tabac, âge ou varicocèle (dilatation des veines du cordon spermatique), les causes des OATS sont multiples et peuvent s'ajouter les unes aux autres.
Il suffit parfois d'y remédier pour obtenir un sperme qui se rapproche de la normale, c'est-à-dire où les spermatozoïdes sont au moins 20 millions par ml, mobiles et de forme normale pour la moitié d'entre eux.
Dans 20 à 30 % des cas traités, un homme pourra procréer en se passant de la PMA après avoir soigné la ou les causes de son infertilité. À défaut, il lui restera d'autres solutions : l'insémination avec son propre sperme, la fécondation in vitro (mise en contact des cellules sexuelles masculines et féminines au laboratoire), ou encore l'ICSI (injection de spermatozoïde dans le cytoplasme). Révolution dans le domaine de la procréation médicalement assistée, l'ICS13 est une technique largement pratiquée depuis 30ans. Elle consiste à féconder l'ovocyte en laboratoire en y injectant un seul spermatozoïde à l'aide d'une micro-aiguille.
Une course contre le temps
L'analyse des causes et le traitement de l'infertilité masculine demandent du temps. Or, les futurs parents sont souvent pressés : les femmes concevant des enfants de plus en plus tard, la découverte de l'infertilité masculine et son traitement relèvent alors d'une course contre le temps pour conserver à la femme ses chances de procréer.
D'où les demandes fréquentes de recours direct à l'ICSI - le cas échéant grâce à un prélèvement de spermatozoïde directement dans les testicules sans passer par l'étape d'autres traitements. Et ce, malgré la lourdeur de cette technique pour la femme, et les risques encore mal évalués qu'elle comporte (comme la transmission du caractère "Infertile" du père à l'enfant).
Il existe un manque de prévention de l'infertilité masculine, les hommes ne se préoccupant de leur appareil génital qu'en cas de problème : combien d'hommes de 25 ans ont eu aujourd'hui un examen de leurs testicules ? Il consiste pourtant simplement à palper les bourses pour remarquer l'absence du canal déférent (qui véhicule les spermatozoïdes vers le canal éjaculateur).
De la même manière, des examens simples permettent de déceler des testicules mal descendus ou malformés, la présence d'une varicocèle. Si un homme a l'intention d'avoir des enfants à 35 ans, il est préférable qu'il se soucie de sa fertilité avant. Mais qui s'en préoccupe à 20 ans ? Un suivi médical pourrait au moins éviter aux hommes la découverte tardive de leur infertilité et ses affres, puisqu'ils connaissent alors souvent différentes phases dépressives.
Une souffrance mal connue
« Il a été difficile d'assumer cette stérilité, raconte Yoanne, d'autant plus que nous n'avons pas été pris en charge psychologiquement et que j'ai rapidement déprimé. Une déprime qui a fait chavirer mon couple, sans compter la prise d'antidépresseurs qui a failli me faire perdre mon travail. » une souffrance due au fait que la fertilité représente la vie. Or, tout à coup, il devient impossible de se prolonger dans un autre être.
Sans oublier le sentiment de perte de virilité de celui qui n'a plus l'impression d'être un homme à part entière. On déplore la faiblesse du suivi psychologique des patients, faute de moyens. De fait, le rôle de certains spécialistes se cantonne à rencontrer les couples qui, après avoir épuisé les options médicales, veulent recourir au don de sperme. Il doit voir si l'homme a fait le deuil de sa fertilité ; la femme, celui de l'enfant de son compagnon ; et s'ils pourront faire une place à l'enfant à naître.
Les hommes s'expriment peu et vivent leur stérilité comme une faute. Il faut leur conseiller de dire ce qu'ils pensent et de ne pas accepter une insémination avec donneur tant qu'ils n'ont pas fait le deuil de leur fertilité. Ils peuvent se servir de l'expérience des psychiatres ou des psychologues en cas de difficulté.
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