Symbole de la liberté sexuelle dans les années 1960, la pilule s'est aujourd'hui banalisée.
Pourtant, il ne s'agit pas d'un médicament anodin : ses contre-indications cardiovasculaires sont bien connues des spécialistes.
Plus grave, son risque cancérigène, pourtant évalué comme "certain" par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis l'an dernier, reste trop souvent occulté.
Les premières pilules mises sur le marché en 1973, en France, étaient fortement dosées (deux à trois fois plus qu'aujourd'hui). Elles présentaient des effets secondaires marqués, qui découragèrent plus d'une femme.
Au fil des ans, les dosages diminuants, ce contraceptif séduisit de plus en plus de femmes, de plus en plus jeunes. Le paradoxe de la pilule, c'est que la femme prend un médicament (des hormones) justement parce que tout va bien, qu'elle est normalement féconde.
En 1988, le Dr Helen Grant, une des scientifiques à l'origine de la découverte de la pilule, publie en France Amère pilule. Cet ouvrage, préfacé par le Pr Lucien Israël, veut alerter sur ses dangers cardio- vasculaires et hépatiques.
Pourtant, personne n'en parle : le sujet dérange. Car la pilule représente un symbole culturel fort, indissociable de l'émancipation de la femme. En 2004, le débat sur le THS (traitement hormonal substitutif), qui utilise les mêmes hormones que la pilule, entraîne un rebond polémique sur cette dernière.
« Même s'il apparaît presque impossible aujourd'hui de bannir les pilules contraceptives, qu'au moins la vérité soit dite » insistait déjà le Pr Israël... en 1990. En 2020, que doit-on vraiment savoir ?
Le risque cardiovasculaire
La prise de la pilule est un risque cardiovasculaire en soi : elle influe de façon néfaste et insidieuse sur la santé des vaisseaux sanguins. C'est prouvé, mais très souvent minimisé. Les complications qui lui sont imputables sont rares et les chiffres discutés.
Certaines données indiquent toutefois une multiplication par deux du risque relatif à l'infarctus et aux accidents vasculaires cérébraux (1,8 et 2,2 exactement), les complications les plus graves avec les phlébites.
En revanche, il est établi que l'utilisation d'œstro-progestatifs en présence d'autres facteurs de risque cardio-vasculaires est potentiellement très dangereuse et fortement déconseillée.
« En cas d'accident cérébral, de phlébite ou d'embolie pulmonaire, la première recommandation est de stopper tout traitement hormonal contraceptif », rappelle le Dr Bérengère Arnal-Schnelen, gynécologue et phytothérapeute.
Les contre-indications absolues de la pilule sont l'hypertension artérielle, des antécédents personnels de maladies cardiovasculaires (infarctus, accident vasculaire cérébral...), une maladie sévère du foie, généralement un diabète, une élévation exagérée de graisses (cholestérol) dans le sang. En cas de surpoids et de tabagisme. Les médecins ne prescrivent la pilule que dans un contexte précis (sans autre risque de santé associé).
Quels contrôles ?
Le dosage du cholestérol, des triglycérides, de la glycémie, qui n'est conseillé par la Sécurité sociale que tous les deux ans, est suffisant lorsqu'il n'y a pas problème particulier. Sinon, un contrôle plus fréquent s'impose.
Le risque cancérigène
Ce risque, qui inquiète de plus en plus les cancérologues, est surtout relatif au cancer du sein, dont l'ampleur est alarmante : 45 000 nouveaux cas tous les ans, 130 % d'augmentation en trente ans, une femme sur huit touchée dans les années à venir et, semble-t-il, de plus en plus jeune.
La pilule n'est évidemment pas le seul facteur incriminé, mais il n'est plus question d'en occulter l'implication. Elle agit en effet comme un initiateur ou un accélérateur du processus cancérogène au niveau des glandes mammaires, qui met dix à trente ans à se développer. Une fois détecté, on prescrit d'ailleurs aux patientes des anti-estrogènes en cas de cancer hormono-dépendant, pour freiner la croissance des cellules cancéreuses.
Quelle surveillance ?
Elle doit être avancée et rapprochée. L'examen des seins doit être réalisé à chaque consultation et complété par une autopalpation régulière. Le gynécologue demande, dans l’idéal, systématiquement en dehors de tout antécédent une mammographie (numérique si possible) tous les deux ans et une échographie mammaire annuelle dès 35 ans. La démarche ne fait pas l'unanimité, mais permet une détection de cancers du sein particulièrement précoces.
Le frottis est indispensable pour dépister le cancer du col de l'utérus. Dans le cas d'une sexualité active, mieux vaut en faire un tous les ans. Enfin, une échographie hépatique annuelle est conseillée aux femmes ayant pris la pilule pendant plus de sept ans. Elle permet d'écarter les risques d'apparition de tumeurs bénignes du foie.
Que faire ?
Expliquer le risque aux femmes, mais aussi à leurs conjoints qui pensent souvent que la pilule n'en présente aucun. Prendre la pilule le moins longtemps possible, et opter pour les moins dosées en œstrogène.
Privilégier une contraception micro progestative en comprimés (ou en implant), c'est-à-dire sans œstrogène, lorsqu'elle est bien tolérée.
Limiter les effets nocifs, en recourant à l'homéopathie drainante (pour faciliter notamment le métabolisme hépatique) et à un complexe vitaminique (face aux carences que la pilule induit).
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Les questions réponses sur la pilule
Les pilules oestro-progestatives sont-elles cancérigènes ?
Elles augmentent le risque de cancers du sein, du col utérin et du foie. Le risque de cancer mammaire augmente de manière modérée et dépend de la durée de l'utilisation. Par ailleurs, dix ans après l'arrêt de la pilule, ce risque redevient équivalent à celui des femmes qui ne l'ont jamais prise.
L'augmentation du cancer du foie, plus rare, est connue depuis déjà quelques années. Ce risque est accru chez celles qui ont pris longtemps la pilule.
En revanche, cette contraception diminue les risques de cancer de l'utérus (endomètre) et ovaire. Cette réduction persiste au moins quinze ans après l'arrêt de la pilule. Au final, aujourd'hui, on ne sait pas si la pilule augmente ou réduit le risque global de cancer. Pour le savoir précisément, des travaux complémentaires sont nécessaires.
Les micropilules, qui contiennent uniquement des progestatifs, sont-elles aussi cancérigènes ?
En l'absence de certitude (in vitro la réponse est oui, in vivo les seuls résultats montrant un danger ne concernent que certains progestatifs du THS), un principe de précaution peut apparaître raisonnable.
Certaines sont-elles plus dangereuses ?
Plus elles sont dosées, plus le risque augmente.
Est-elle moins nocive si on la prend jeune ?
Non, le risque est plus important avant la première grossesse (et l'allaitement), car les glandes du sein sont encore "immatures", donc fragiles.
Le risque est-il plus important pour certaines femmes ?
C'est en fonction des antécédents personnels et familiaux de chaque femme que le gynécologue le déterminera. Les "grosses fumeuses" ne doivent pas la prendre, car la nicotine (via une augmentation de la prolactine) "sensibilise" les glande prudence s'impose également pour les femmes présentant des anomalies bénignes du sein (adénofibrome et important foyer de mastose).
Des alternatives à la contraception hormonale
Il existe plusieurs moyens de contraception non hormonale (diaphragme, préservatif, stérilet...). D'ailleurs, contrairement à une idée reçue,
Le stérilet n'est pas réservé aux femmes qui ont déjà eu des enfants. On peut proposer aux jeunes filles un petit stérilet (short) après un bilan échographique de l'utérus, bactériologique (recherche d'une infection vaginale) et cytologique (frottis de dépistage). On le pose sous anesthésie locale et il est raisonnable de le prévoir pour une durée maximale de deux ans.
Il est recommandé un suivi régulier (trois fois par an), assorti d'une prescription de fer bio et d'homéopathie pendant la semaine des règles pour en limiter l'abondance.
Le cercle médical rappelle par ailleurs qu'une méthode de contraception 100 % naturelle existe, mais qu'elle réclame une prise en charge personnelle et un apprentissage : Il s'agit de combiner la prise de température quotidienne et un examen de la glaire cervicale (méthode symptothermique).
Si cette double analyse est bien menée, elle permet de déterminer avec exactitude la période féconde. Son taux d'échec, évalué par l'OMS, n'est que de 2 %. Effectué dès l'adolescence, cet apprentissage, qui doit être encadré par un spécialiste, permet de connaître sa fertilité.
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