Les Français grossissent de manière inquiétante. Entre 2000 et 2019, la proportion de personnes obèses est passée de 9,6 à 17 %.
« Le plus frappant, souligne le Pr Stéphane Lor, c'est l'augmentation de ce que les spécialistes nomment l'obésité massive, qui caractérise des patients ayant un IMC (indice de masse corporelle) supérieur à 40. Nous voyons de plus en plus d'adolescents, mais aussi de personnes de plus de 65 ans souffrant de formes graves d'obésité. »
Hypertension, diabète, cholestérol
Réduction de l'activité physique liée à la vie moderne, consommation alimentaire trop importante avec un goût croissant pour les aliments les plus caloriques les raisons de cette progression sont, aujourd'hui, bien connues.
L'obésité, même modérée, a des conséquences sur la santé. Quelques 33 % des personnes en excès de poids (contre 8 % de celles de poids normal) souffrent d'hypertension, 23,8 % ont trop de cholestérol et 10,5 % sont diabétiques.
Quand on considère les obésités importantes, des complications sur le plan osseux, articulaire, respiratoire s'ajoutent aux problèmes vasculaires, avec même une augmentation du risque de cancer.
« Or, actuellement, il y a une vraie carence de la prise en charge médicale de l'obésité en France, dit le Pr Lor. On ne considère pas assez que les personnes en surpoids ont des complications physiques, psychologiques, sociales, et qu'il ne suffit pas de leur dire "Maigrissez, ça ira mieux". Les médecins doivent apprendre à répondre à l'ensemble de ces complications en adaptant leur réponse à chaque patient. Ceux souffrant de douleurs ostéoarticulaires, de problèmes respiratoires ou cardiaques ou a fortiori psychologiques sont ainsi trop souvent négligés, voire ignorés. Entre autres parce que nombre de médecins continuent à projeter un point de vue négatif sur les personnes obèses au point d'en perdre leur raisonnement médical. »
Des réponses selon le profil de chacun
Les solutions dépendent des problèmes dont on souffre.
- En cas d'hypertension artérielle : quand on est hypertendu, mieux vaut ne pas dépasser 6 g de sel par jour (chaque Français en consomme 8 g), c'est-à-dire se contenter de celui mis en cours de cuisson des aliments et ne pas en rajouter. Un excès de poids favorise l'hypertension et il suffit, parfois, de perdre quatre ou cinq kilos pour que la pression artérielle baisse. Si ce n'est pas le cas, il existe des médicaments efficaces.
- Trop de cholestérol : un surpoids favorise le syndrome métabolique qui se caractérise par une augmentation des taux de sucre et de triglycérides (les graisses du sang) et une mauvaise répartition entre le bon et le mauvais cholestérol.
La solution : corriger son alimentation en mangeant plus de fruits, légumes et poissons. Si cela ne suffit pas, le médecin peut prescrire des médicaments destinés à corriger l'excès de cholestérol.
- En cas de diabète : l'obésité et la sédentarité multiplient par dix le risque de diabète de type 2, appelé aussi diabète gras. La meilleure façon de le prévenir, c'est l'activité physique : par exemple, une heure de marche rapide ou une demi-heure de vélo d'appartement ou de natation par jour. Adopter, parallèlement, une alimentation riche en fruits et légumes et perdre un peu de poids. « Trop de médecins disent : maigrissez d'abord, explique le Pr Lor. C'est une mauvaise analyse. Il faut associer les stratégies : manger de manière équilibrée, bouger plus et, si cela ne suffit pas, prendre des médicaments. »
- Les complications cardiaques : plusieurs facteurs favorisent la souffrance du coeur. D'abord, le poids du corps. Faire circuler le sang dans un organisme de 120 kilos représente deux fois plus de travail que chez une personne de 60 kilos. Ensuite, l'hypertension artérielle, voire le diabète, altèrent le fonctionnement du cœur tout comme les difficultés respiratoires (dues, entre autres, aux apnées du sommeil). Protéger ou traiter son cœur, c'est augmenter son activité physique, perdre un peu de poids, réduire le sel, traiter l'hypertension, le diabète et les éventuelles apnées du sommeil. Nombre de patients voient ce dernier symptôme disparaître dès qu'ils perdent 10 ou 15 % de leur poids.
- Les douleurs articulaires : les plaintes les plus fréquentes concernent les douleurs du dos liées à des problèmes de statique vertébrale. L'aide d'un spécialiste de médecine physique ou d'un kinésithérapeute pour apprendre à modifier certaines positions douloureuses, à se déplacer, à s'asseoir... est irremplaçable. Autre plainte fréquente : les douleurs liées à l'arthrose des genoux ou des hanches, due aux contraintes sur les articulations exercées par le poids du corps. Dans ce cas, perdre une dizaine de kilos apporte un grand soulagement, mais il ne faut pas hésiter, en attendant, à prendre des antalgiques.
- Cancer : on sait, aujourd'hui, que l'obésité augmente les risques de certains cancers. Chez les femmes : les cancers du sein (après la ménopause) et de l'utérus. Chez les hommes : le cancer de la prostate. Et chez les unes et les autres, le cancer du côlon, dont certains spécialistes pensent qu'une alimentation trop riche en graisses et pauvre en fibres (légumes, féculents, fruits) pourrait être responsable. « Ceci reste à prouver mais il s'agit de cancers que l'on sait prévenir ou identifier précocement, ajoute le Pr Lor. La prise en charge d'un patient obèse devrait donc obligatoirement comporter un dépistage du cancer. L'idée étant toujours la même : s'il faut s'occuper de l'excès de poids, il faut aussi pratiquer une médecine préventive et curative des risques liés à l'obésité. »
Ne pas sous-estimer la souffrance morale
Quant aux difficultés psychologiques, la plupart des patients obèses en souffrent, que ces problèmes soient engendrés par la souffrance morale due à l'excès de poids ou, comme le pensent certains médecins, que la dépression favorise l'obésité.
« Il n'est pas toujours facile de faire la part entre la cause et la conséquence de la dépression, reconnaît le Pr Lor. Il faut donc analyser chaque cas en sachant qu'un patient a peu de chances d'obtenir une perte de poids si le médecin ne prend pas en charge la dimension psychologique du problème. »
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