Fabien n'a jamais accepté d'être petit. « Mesurer 1,65 m, c'est difficile à vivre pour un homme. Malgré le port de talonnettes, j'étais très complexé », raconte ce jeune homme de 33 ans. Sa taille n'a rien d'exceptionnel : elle est simplement inférieure à la moyenne nationale qui est de 1,76 m pour les hommes et 1,63 m pour les femmes.
A une époque où l'apparence physique compte énormément, la taille est un véritable sujet de préoccupation, surtout pour les parents de jeunes enfants.
Petite taille : normale ou pas ?
En dehors de certaines maladies rares détectables avant la naissance, c'est généralement vers l'âge de deux-trois ans que l'on se rend compte d'un décrochage par rapport à la courbe de croissance. Celle-ci, inscrite dans le carnet de santé, sert de référence. Une croissance normale reste parallèle à la courbe, même si elle se situe un peu au-dessus, ou un peu au-dessous.
Lorsqu'un décalage apparaît, ce n'est pas forcément mauvais signe. Chaque enfant grandit à sa vitesse. « Pour rassurer les parents, j'invoque souvent la fable du lièvre et de la tortue », explique ainsi le Pr Lima pédiatre et spécialiste de la croissance.
Dans le doute, on peut mesurer 'l'âge osseux" en pratiquant une radiographie du poignet de la main gauche, que l'on compare ensuite avec les normes d'un atlas anatomique. Si le décalage s'accroît au fil des ans, le médecin va demander des examens plus approfondis.
On s'intéresse en particulier au fonctionnement de l'hypophyse. Lorsque cette glande, située dans le cerveau, ne sécrète pas une quantité suffisante d'hormone de croissance, l'enfant subit un retard manifeste. Une IRM (imagerie par résonance magnétique), ainsi que des dosages sanguins, permettent de diagnostiquer une éventuelle anomalie.
L'hormone de croissance, pour qui ?
Seuls les enfants atteints d’insuffisance hypophysaire, d'un retard de croissance in utero ou d'un syndrome de Turner, peuvent recevoir un traitement par hormone de croissance. Celle-ci ne devrait pas être prescrite en dehors de ce contexte médical. Cependant, un rapport de la Caisse nationale d'Assurance maladie, constate certains abus : indications pas respectées, doses trop élevées, traitements trop longs... À l'avenir, les contrôles devraient être renforcés.
Concrètement, le traitement consiste à faire des injections quotidiennes sous- cutanées, à l'aide d'un stylo-injecteur comme pour l'insuline des diabétiques. Pour atteindre sa pleine efficacité, il doit démarrer le plus tôt possible et être poursuivi jusqu'à la fin de la croissance. Une petite fille atteinte d'un syndrome de Turner mesurera en moyenne 1,41 m à l'âge adulte si elle n'est pas traitée. Avec l'hormone de croissance, elle pourra atteindre plus de 1,50 m.
À dose normale, les effets secondaires sont limités. Il s'agit essentiellement de maux de tête. Mais des doses trop élevées pourraient être dangereuses à long terme. Il existe, en effet, un risque encore mal évalué de prolifération des cellules éventuellement cancéreuses. D'où l'importance de bien respecter les prescriptions.
L'allongement osseux, une chirurgie délicate
Différentes techniques existent. Mais l'idée consiste à couper un os puis à étirer, grâce à un dispositif interne ou externe, le "cal osseux" qui se reconstitue ensuite.
On peut ainsi allonger le tibia et le péroné (les os de la jambe), mais aussi le fémur (l'os de la cuisse). En quelques mois, le patient gagne entre 5 et 10 cm... au prix d'énormes efforts. Au total, l'allongement des deux tibias et des deux fémurs peut prendre deux ans.
Quelle que soit la technique choisie par le chirurgien, le dispositif étire non seulement les os, mais aussi les muscles, les nerfs et les tendons. Pour le patient, c'est souvent très douloureux. Le risque d'infection est assez élevé avec le dispositif externe.
En principe, l'allongement osseux est réservé aux patients de très petite taille. La Sécurité sociale ne prend en charge que les femmes de moins de 1,46 m et les hommes de moins de 1,57 m. Mais l'intervention est aussi demandée par des personnes très complexées, prêtes à payer elles-mêmes tous les frais (environ 15 000 euros par segment opéré).
Le Dr Guy opère ainsi une cinquantaine de patients par an, en majorité des hommes de 25- 30 ans, mesurant 1,60 à 1,65 m : « Pour éviter tout risque, je refuse d'opérer les personnes qui ont des antécédents d'infections, un poids trop élevé, ou qui sont fragiles sur le plan psychologique. En effet, l'allongement osseux est long et difficile, moralement et physiquement », assure-t-il.
Fabien a choisi cette méthode radicale pour grandir. Il reconnaît avoir souffert pendant des mois et a dû poursuivre ses études par correspondance. Mais il mesure aujourd'hui 1,75 m, et n'a gardé aucune séquelle. « Ma vie a complètement changé et ça n'a pas de prix », reconnaît le jeune homme, dont la motivation était sans faille.
Ces maladies qui freinent la croissance
Certains retards de croissance peuvent être dépistés avant la naissance, par échographie ou par amniocentèse.
C'est le cas de l'achondroplasie, une maladie génétique responsable de nanisme, et du syndrome de Turner, une anomalie chromosomique touchant uniquement les petites filles. Certaines affections en cours de grossesse, comme une hypertension artérielle, peuvent également provoquer un retard de croissance in utero.
Quelque 15 % de ces enfants ne rattraperont pas une taille normale au cours de leur croissance.
Quelques conseils pour bien grandir
Éviter les carences alimentaires
Pour bien grandir, les enfants ont impérativement besoin d'une alimentation diversifiée. Les trois éléments-clés qui vont les aider à "faire de l'os" sont le calcium, le phosphore et la vitamine D.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les carences (sauf pour le phosphore) ne sont pas rares. Pour couvrir ses besoins en calcium, un adolescent devrait consommer quatre laitages par jour, soit l'équivalent d'un litre de lait.
Pour éviter les carences en vitamine D, responsable de "rachitisme", on peut choisir un lait enrichi vendu dans le commerce. C'est important, surtout en période hivernale, lorsque les rayons du soleil sont trop faibles pour assurer la synthèse de cette vitamine.
Il faut surveiller de près l'alimentation des enfants qui pratiquent un sport de manière intensive. Dans certaines activités, comme la gymnastique, la danse, le judo, etc… le poids devient rapidement une véritable obsession. Incités à suivre un régime par leur entraîneur ou par leur famille, ces jeunes risquent de compromettre leur capital osseux.
Faire du sport, raisonnablement
Une pratique intensive du sport (plus de dix à quinze heures par semaine) peut avoir une influence néfaste sur la croissance des enfants. Les gymnastes en compétition en sont le meilleur exemple : de véritables "modèles réduits" ! L'excès de sport provoque des perturbations de l'axe hypothalamo-hypophysaire, ce qui fait baisser la sécrétion d'hormone de croissance.
Un retard de croissance qui peut être comblé quand on revient à une pratique plus raisonnable.
Attention : Contrairement aux idées reçues aucun sport ne fait grandir, pas même le basket. Certaines activités, comme la natation, sculptent une silhouette effilée... mais n'apportent aucun centimètre supplémentaire.