On pensait que les progrès de la médecine allopathique allaient signifier la fin des guérisseurs et autres rebouteux. Or, en 2020, il n'en est rien. Et il semblerait même que ces praticiens qui n'ont pour tout médicament que la parole et les mains rencontrent un succès croissant à l'ère de la biologie moléculaire, des cellules souches et de l'angiogenèse !
Jacques Montagner, guérisseur-magnétiseur dans le Gers puis à Paris, conteste cependant l'étiquette "mode" que certains collent, aujourd'hui, à sa profession dont l'une des particularités est de faire appel à des dispositions, des dons au lieu d'être enseignée comme la phytothérapie ou l'homéopathie. « La méthode de soins par magnétisme a toujours existé, dit-il. Ce qui est nouveau c'est que, désormais, on ne consulte plus un guérisseur en catimini. On dit "Je vais voir mon magnétiseur", comme on dirait mon kiné, mon ostéopathe ou mon médecin. »
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Faiseurs de miracles ou filous notoires ?
Il y aurait, en France, environ 10 000 guérisseurs-magnétiseurs, rebouteux et autres leveurs de maux dont certains (pas tous !) travaillent en collaboration avec des médecins. Parfois très discrètement. Parfois très ouvertement quand il s'agit, entre autres, de faire disparaître des verrues récidivantes, de stopper la douleur due à un zona ou de soulager des brûlés comme savent le faire traditionnellement les barreurs ou leveurs de feu auxquels certains hôpitaux, notamment en Savoie, font appel.
Comment ces praticiens ont-ils acquis leurs savoir-faire ?
Le plus souvent, c'est fortuitement qu'un guérisseur découvre ses facultés. Généralement en voulant soulager un proche. Jacques Montagner a ainsi découvert qu'il était doué de magnétisme en consultant un guérisseur pour son petit garçon, alors âgé de quatre ans, qui souffrait d'une très grave maladie rénale et que la médecine allopathique ne pouvait pas prendre en charge.
D'abord très surpris quand son futur confrère lui a annoncé qu'il avait des dispositions, il s'est mis à tester ses possibilités sur ses proches et a même fini, le temps passant, par soigner son fils.
La transmission familiale est également fréquente. Françoise Braelle, qui exerce bénévolement dans la Drôme, a hérité son magnétisme de son père. Quant à Jean-Yves Salomon, magnétiseur en Bretagne, c'est de sa grand mon père m'a confié les verrues et les eczémas des gens du voisinage, se souvient-il. Aujourd'hui, il m'arrive de m'occuper des problèmes d'infertilité chez des jeunes femmes souffrant de troubles de l'ovulation et des tendinites chez des sportifs de haut niveau. » Avec une spécificité : si Jean-Yves Salomon traite comme ses pairs en imposant les mains, il s'aide avant d'un pendule pour confirmer son diagnostic.
« Cette énergie, cette force vitale existe chez tous les êtres vivants. » Jacques Montagner ; guérisseur-magnétiseur.
Aux antipodes de ces guérisseurs qui ont en eux des dispositions, on voit aujourd'hui apparaître, de plus en plus nombreux en raison de difficultés économiques, des pseudo-praticiens ayant suivi des cours de magnétisme. Au bout de trois week-ends, ils reçoivent un diplôme et s'installent. Leur publicité ne se faisant pas par le bouche-à-oreille mais via Internet ou les petites annonces de certains journaux.
Ces charlatans sont ainsi venus grossir le troupeau de moutons noirs déjà existant et qui compte, entre autres, des personnes ayant, elles, de vraies capacités de magnétiseurs mais qui préfèrent les utiliser, dorénavant, à faire de la voyance ou des désenvoûtements pour des sommes astronomiques.
Ce sont ces déviances qui ont amené à créer une charte du guérisseur-magnétiseur destinée à informer les pouvoirs publics, les médecins et, bien sûr, le public sur les bonnes pratiques de cette profession si controversée.
Comment se passe une séance ?
"Pose ta main sur la douleur et dis que la douleur s'en aille", bien que traduit d'un papyrus égyptien datant du XVIe siècle avant J.-C., ce texte montre que l'art des magnétiseurs comme celui de la plupart des guérisseurs n'a guère changé. Il consiste toujours à rétablir la santé en transmettant au patient un certain potentiel d'énergie - le magnétisme — pour qu'il s'auto guérisse.
« Cette énergie, cette force vitale existe chez tous les êtres vivants de la conception à la mort, précise Jacques Montagner. La qualité de la communication entre le guérisseur et le patient est, cependant, essentielle tout comme le sont la réceptivité et la volonté de guérir de ce dernier. »
A partir de là, un guérisseur-magnétiseur n'examine pas le patient, parce que l'examen clinique n'entre pas dans ses attributions. Mais il le fait s'allonger sur sa table de travail et impose ses mains au-dessus de la partie à traiter sans qu'il y ait, généralement, de contact physique.
« J'ai récemment consulté un magnétiseur en Bourgogne pour une histoire de zona qui me faisait terriblement souffrir et sur lequel le médicament prescrit par le dermatologue était inefficace, raconte Kadijha, 46 ans. Au début, j'étais très sceptique. Puis ce guérisseur a imposé ses mains au-dessus de la zone concernée et, curieusement, j'ai senti un flux et un reflux parcourir mon corps. Il m'a ensuite demandé de me relever et là j'étais engourdie. Il a refait des passes d'abord lentement tout le long du corps, en commençant par le sommet du crâne pour finir le long des jambes puis une série de passes rapides. Au bout de trois jours, j'avais moins mal et, une semaine après, la douleur avait totalement disparu. »
Outre ce type d'affections, les guérisseurs-magnétiseurs peuvent prétendre s'occuper d'autres maladies comme, par exemple, les douleurs du dos, les lombalgies, les cervicalgies, les tensions des ligaments. « A condition qu'elles ne soient pas dues à une cause mécanique importante, par exemple à une fracture vertébrale ou à une hernie discale, tient à préciser Jacques Montagner. Dans ce dernier cas, on peut tout au plus soulager et encore pas toujours. »
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Des résultats parfois contestés
Le magnétisme peut aussi faire disparaître certains maux de tête dus au stress et donner de bons résultats sur certaines dépressions. « Tout dépend de la cause et de l'ancienneté de la maladie, dit Jacques Montagner. Si elle est récente et surtout liée à une baisse de l'influx nerveux, il est possible de "recharger" la personne en énergie en l'espace de trois séances. Si elle est ancienne, le traitement risque d'être long et le patient ne doit surtout pas arrêter ses médicaments antidépresseurs tant qu'il ne se sent pas assez bien pour entreprendre un plan de sevrage avec son médecin. »
Certains troubles digestifs tels les ballonnements, les problèmes de transit intestinal... peuvent aussi bien répondre au magnétisme, tout comme certaines affections chroniques comme l'asthme.
Un succès pourtant contesté par les allergologues et les pneumologues selon lesquels ce n'est pas le magnétisme qui permettrait la guérison mais une réaction neuro-psycho-immunologique liée à l'empathie qui peut exister entre le soignant et le soigné.
Une pratique qui n'est pas scientifiquement validée
Vaste question en forme de reproche et/ou de regret perpétuellement formulé par les médecins les plus ouverts à cette médecine non conventionnelle. Ils souhaiteraient que les guérisseurs acceptent de mener des études destinées à apporter la preuve scientifique des guérisons obtenues et des mécanismes par lesquels elles passent.
« Je soigne beaucoup de malades souffrant d'affections chroniques comme le psoriasis, le lupus, de grandicap social et entraînent une souffrance morale importante, dit le Pr Louis Dertret, dermatologue à l'hôpital Saint-Louis à Paris. Or, comme la médecine n'est pas parfaite, la plupart de ces patients ont un jour ou l'autre consulté un guérisseur. A condition que ce thérapeute ne soit ni un escroc ni un dangereux individu, il ne me viendrait pas à l'idée de m'y opposer. Le problème est que le travail des guérisseurs n'a jamais été évalué scientifiquement ».
C'est un reproche que certains cancérologues adressent aussi aux guérisseurs. « Des travaux menés en collaboration avec des psychosomaticiens et validés par des études rigoureuses m'ont appris à ne pas rejeter systématiquement ce à quoi je ne croyais pas par principe, précise le Pr Claude Jasmin, oncologue à l'hôpital Paul Brousse, à Villejuif. Je pense certains guérisseurs capables d'apporter de l'aide à certains patients, ne serait-ce que grâce à l'empathie dont ils peuvent témoigner. Mais il est tout de même difficile d'accepter cette pratique tant qu'elle n'a pas été vérifiée scientifiquement. »
« Nous avons reçu une certaine formation qui nous préserve de la crédulité, dit le Dr L. D. médecin généraliste. D'accord pour adresser, éventuellement, un patient qui souffre d'une pathologie bénigne mais handicapante à un guérisseur si la médecine classique ne marche pas. Mais pas d'accord, en l'absence de preuves scientifiques, pour un problème sérieux. »
De leur côté, les guérisseurs de qualité se disent tout à fait prêts à entreprendre des études comparant les effets obtenus sur certaines pathologies par la médecine allopathique et par les magnétiseurs. Les uns et les autres en parlent et en reparlent, mais rien n'a encore bougé. « Cela évoluera peut-être le jour où un gouvernant aura le courage de se pencher sur ces médecines qui coûtent infiniment moins cher à la société que l'allopathie », espère pour sa part Jacques Montagner.
En attendant, si aucun guérisseur sérieux ne peut prétendre guérir un cancer, de plus en plus de cancérologues suggèrent à leurs patients de se faire traiter par un magnétiseur avant chaque séance de chimiothérapie.
« Parce que nous sommes capables de transmettre un maximum d'énergie qui va permettre aux malades de mieux se défendre contre les effets indésirables du traite- ment, ajoute Jacques Montagner. Même chose concernant la radiothérapie. Le problème étant que pour éviter les brûlures éventuelles, il faudrait voir son magnétiseur après chaque séance, ce qui, bien sûr, complique la vie. Ce problème a été résolu dans certains centres de radio- thérapie aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Russie par la présence à plein temps de magnétiseurs. »
Comment échapper aux charlatans ?
Se pose dans ce cas et dans d'autres la question des soins à distance qui demeure un sujet tabou parmi les guérisseurs, beaucoup refusant d'en pratiquer.
Pour Jacques Montagner, « ça peut marcher mais moins bien qu'en direct. Le problème est que c'est la porte ouverte à tous les abus. Les personnes qui se disent compétentes en la matière passent, en général, une petite annonce comportant une boîte postale. Le patient envoie sa photo, une mèche de cheveux et un chèque qui est encaissé, le reste allant à la poubelle. Trois mois plus tard, il est susceptible de recevoir un appel du style "Je n'ai pas eu de vos nouvelles mais attention : un grand danger vous menace" et c'est alors que l'on renvoie un chèque. »
Comment alors échapper aux charlatans ? En fuyant absolument les publicités distribuées dans les boîtes à lettres, les annonces qui paraissent dans certains journaux, les pseudo-praticiens qui utilisent un pseudonyme. Et en faisant uniquement confiance à des guérisseurs ayant pignon sur rue et dont on a obtenu les coordonnées par le bouche-à-oreille.
Bon à savoir avant de consulter un guérisseur
- Un magnétiseur-guérisseur ne se consulte pas d'emblée mais après échec de tout autre traitement d'ordinaire efficace en cas de pathologies graves affections cardiovasculaires, hépatites.sa).
- Ces techniques sont complémentaires d'autres traitements et semblent donner des résultats surtout dans les affections où des facteurs psychologiques, le stress... interviennent pour entretenir ou aggraver -la maladie (eczéma, psoriasis...).
Attention si...
- Un guérisseur vous empêche d'être suivi par votre médecin.
- Il vous demande d'arrêter un traitement médical.
- Il vous promet une guérison absolue.
- Il vous propose un forfait payable d'avance en suggérant, par exemple, un deuxième rendez un mois plus tard et en prétendant, entre-temps, travailler sur photo.
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