Vivre avec la migraine : un combat au quotidien
Je ne me souviens pas avoir eu de migraines avant l'âge de 16 ou 17 ans. Elles ont commencé par des maux de tête assez forts qui pouvaient durer une journée entière.
J'en avais pris mon parti, me soignant uniquement avec de l'aspirine. C’est un peu plus tard, vers l'âge de 22 ans, que le calvaire a véritablement commencé : les douleurs, violentes, s'abattaient toujours sur une seule moitié du crâne, tantôt l'une, tantôt l'autre, puis glissaient dans les cervicales et descendaient jusqu'aux trapèzes. J'étais raide comme la justice, avec l'impression d'avoir la tête enserrée dans un casque.
Et puis, je vomissais beaucoup, jusqu'à dix fois par jour. Je devenais maladroite, me cognant partout, incapable de parler, de manger ou de faire quoi ce soit. Du coup, dès les premiers symptômes, je quittais immédiatement l'endroit où je me trouvais — bureau, opéra, dîner... — pour rentrer chez moi. Et là, pendant 24 heures, coupée du monde, couchée dans le noir, à la limite du désespoir, j'attendais que les douleurs cessent. Puis, je me relevais, me sentant revivre mais anticipant déjà la crise suivante.
Et elles revenaient, plusieurs fois par mois ou parfois par semaine. J'en étais arrivée à un point où je n'osais plus sortir le soir ou même prendre l'avion. Le pire, c'est que les autres n'avaient pas l'air de mesurer mon "handicap". Ils me voyaient comme quelqu'un d'un peu fragile psychiquement, trop sensible, voire dépressive. Ça a duré plus de dix ans.
J'ai consulté de nombreux médecins
Comme beaucoup de migraineux, je suis passée entre les mains de toutes sortes de médecins. Un acupuncteur, d'abord, qui, une fois par mois, me plantait une forêt d'aiguilles sur tout le corps. Cela m'a aidée la première année, puis de moins en moins.
J'ai alors consulté dans un centre anti-migraine où l'on m'a prescrit des bêtabloquants. C'était plutôt efficace, mais, en contrepartie, j'avais d'énormes coups de barre dans la journée qui m'obligeaient à rentrer dormir chez moi. J'en ai parlé au spécialiste qui me suivait : il ne m'a pas entendue. Je ne l'ai jamais revu.
Ensuite, il y a eu une magnétiseuse, mais là encore, les effets, positifs au départ, se sont estompés au fil des séances. Le summum, ce fut un médecin très connu sur la place de Paris. Il avait une grande écoute et m'a prescrit une foule d'examens, dont une IRM. Ce qui, évidemment, m'a mise en confiance. Je suis sortie de la consultation suivante avec une ordonnance vertigineuse : un bêtabloquant plus un autre médicament anti-migraine, un anxiolytique plus un neuroleptique.
Le tout à prendre chaque jour ! Au bout de deux mois, je n'avais plus une seule douleur, mais trois kilos en plus et des bouffées de chaleur ingérables ! Je suis retournée le voir. Non seulement il a maintenu le traitement, mais il y a ajouté un médicament pour maigrir et un autre pour réguler la transpiration. Très vite, je me suis retrouvée avec 8 de tension.
Alors, quand ce "bon docteur" a voulu me prescrire, en complément du reste, un remède pour la faire monter, j'ai pris la fuite.
Mes maternités m'ont sauvée !
C’est finalement mon généraliste qui a trouvé le juste traitement en associant un médicament de fond et des antidouleurs. Mais l'arrivée de mes deux enfants a été salvatrice : une seule crise pendant les grossesses et, depuis, elles sont à la fois moins fréquentes et moins invalidantes.
Il faut dire que je connais aujourd’hui mes points faibles et je sais éviter les situations à risque. Ainsi, si je suis très fatiguée, que je bois de l'alcool ou que je mange du chocolat, je suis bonne pour une migraine.
De même, j ai renoncé à prendre la pilule car je sais, par expérience, qu'elle ne me vaut rien sur ce plan. J'ai enfin appris à gérer mes crises : dès que je les sens arriver, j'essaie tout de suite de les enrayer en prenant du paracétamol, de l'aspirine ou de l'ibuprofène et, surtout, de trouver un moment pour dormir. Mais rien à avoir avec l'état de "non vie" dans lequel j'étais avant.
La migraine est-elle une pathologie fréquente ?
Elle touche 20 % de la population, dont quatre femmes pour un homme. Et pour cause : les artères cérébrales sont très sensibles à l'action irritante des estrogènes (hormones féminines). Cela dit, d'autres facteurs peuvent être impliqués : prédisposition héréditaire, changement de rythme (par exemple entre la semaine et le week-end), fatigue, alcool, chocolat, odeurs...
Est-ce une vraie maladie ?
Il faut arrêter de culpabiliser les migraineux : leur maladie n'a rien d'imaginaire ni de psychosomatique. Et si des facteurs psychologiques, notamment le stress, peuvent en augmenter le risque, il s'agit bel et bien d'un trouble organique qui doit être pris en charge par un neurologue.
Les traitements actuels contre la migraine sont-ils efficaces ?
Ils le seraient s'ils étaient mieux utilisés ! Selon l'intensité et la fréquence des douleurs, on peut prescrire, en plus des médicaments de la crise (antalgiques, anti-inflammatoires, vasoconstricteurs), un traitement de fond (bêtabloquants, inhibiteurs calciques...). À partir du moment où ce "cocktail" est bien dosé, on obtient de très bons résultats.
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