1 Français sur 2 se plaint de fatigue prolongée
« Docteur, si vous saviez comme je suis fatigué ! " De fait, près d'un Français sur deux se plaint de fatigue prolongée (une semaine ou plus), survenant une ou plusieurs fois au cours de l'année.
Courbatures, manque de dynamisme, maux de tête, défaut de concentration ou troubles de l'humeur : la liste des symptômes est très longue. Pas toujours facile, donc, de savoir de quelle "fatigue" on souffre.
Le mot "fatigue" est ambigu, car il recouvre toutes sortes d'états
En terme médical, on parle plutôt d'asthénie pour ce qui concerne l'épuisement, la lassitude. La fatigue est la plainte à la fois la plus importante et la plus difficile à cerner.
S'agit-il du classique « coup de pompe » après le repas ou de l'excès d'activité sportive ? Ou, au contraire, d’une lassitude générale, d'un épuisement physique et psychologique ? Pour comprendre, il faut d'abord prendre un peu de recul.
« Je suis exténué parce que j'ai trop de travail, je subis trop de pression, je suis démotivé, je n'arrive pas à dormir… »
Au banc des accusés, on trouve le stress et le surmenage. Principales victimes : les parents, épuisés par les réveils nocturnes des enfants, les journées intenses de travail, les tâches domestiques le soir... Ce stress quotidien dépasse, pour certaines, leurs possibilités de résistance.
Si le repos ne suffit pas
Que faire ? Prendre des cocktails vitaminés, anti-asthéniques et autres oligo-éléments ? Pour l'heure, ils n'ont pas encore résolu tous les problèmes de fatigue. On peut plutôt essayer d'appliquer les règles du repos : respect de ses propres rythmes de sommeil, activité physique régulière, relaxation, alimentation équilibrée, voire cure thermale.
Et si le repos ne suffit pas, il faut chercher ailleurs. Véritable signal d'alarme du corps, la fatigue peut en effet cacher des affections très diverses.
Qui consulter quand la fatigue persiste ?
Son médecin généraliste d'abord, pour poser un diagnostic. Par exemple, un épisode infectieux hivernal peut provoquer une baisse de tonus durant plusieurs semaines, d'autant plus si l'on a eu de la fièvre. C’est le cas des traditionnels rhumes, pharyngites, otites, bronchites et grippes dont nous souffrons fréquemment dès l'automne.
Mais, pour un symptôme identique, la perception de la fatigue est radicalement différente d'une personne à l'autre.
Comme l'explique le Pr Michel Dine, chef du service d'hématologie à l'hôpital de Reims : « J'ai vu deux patientes la même semaine. L'une était essoufflée, un peu ralentie sur le plan intellectuel, et présentait des signes cliniques précis comme la perte de cheveux. L'autre évoquait une fatigue intense, avec perte de mémoire et problèmes de concentration. Dans les deux cas, il s'agissait d'une carence majeure en fer. »
En effet, selon l'étude Suvimax, 98 % des femmes en âge de procréer ont des apports en fer inférieurs aux besoins nutritionnels. Liée à la perte de sang durant les règles, cette carence reste la plupart du temps mal compensée par l'alimentation. A ce titre, 5 % des femmes présentent même une anémie assez sévère, avec fatigue chronique.
La peur de ne pas être pris au sérieux
Dans les cas complexes, le généraliste peut ne pas parvenir à établir un diagnostic. Sans compter que les patients minimisent parfois leurs troubles, de crainte de ne pas être pris au sérieux. Le praticien oriente alors le patient vers les services de médecine interne ou vers une consultation spécialisée, en rédigeant une lettre à leur intention.
« Notre principe, c'est qu'une personne se plaignant d'être fatiguée a toujours raison, précise le Pr Cabane. Comme quasiment toutes les maladies peuvent provoquer une asthénie, notre seule porte de sortie consiste à trouver la cause. Nous cherchons donc dans tous les secteurs de la médecine. »
A côté de l'examen clinique classique (tension, poids...), de nombreuses questions sont indispensables pour « décrypter ce que dépeignent les patients avec leurs mots. On les aide à préciser les symptômes et les causes, sans oublier l'aspect psychique ».
L'une des interrogations essentielles est "La fatigue varie-t-elle en intensité au cours de la journée ? " Si c'est le cas, il faut chercher du côté des troubles du sommeil.
Apnées du sommeil, insomnies liées au stress, au surmenage ou à l'hyperactivité, narcolepsie (maladie provoquant à n'importe quel moment de la journée une irrépressible envie de dormir) sont à l'origine d'environ un tiers des fatigues persistantes.
Pour un autre tiers, on trouve une déprime, voire une "dépression masquée". Celle-ci ne s'exprime pas par l'angoisse, mais par un ralentissement à trois niveaux : physique, moral et intellectuel.
Comme l'analyse le Dr Jean- Louis Chazal, ancien clinicien O.R.L. spécialisé dans les troubles du sommeil liés aux apnées, « le stress ajouté à une tendance à la dépression entraîne une fatigue liée au "mode de vie". Puisqu'il n'y a pas de remède miracle, on essaie d'apprendre au patient à mieux gérer son quotidien et d'apporter une aide psychologique, par exemple à travers la relaxation ».
Fatigue : Il faut parfois chercher ce que cela peut cacher
Reste alors l'une des dernières pistes connues :
- les maladies silencieuses, donc difficiles à diagnostiquer. Dans cette catégorie s'inscrivent les problèmes endocriniens (hypothyroïdies, insuffisances surrénaliennes, ménopause, andropause),
- les maladies infectieuses : hépatites B et C, mononucléose infectieuse...
- les maladies neuromusculaires (myasthénie, myopathie), la polyarthrite rhumatoïde, l'insuffisance rénale, l'endocardite, mais aussi le cancer et les maladies rares comme les pathologies auto-immunes.
Et après ? « Lorsque tous les examens cliniques nécessaires ont écarté les autres causes possibles de fatigue chronique, on arrive dans ce que j'appelle le "fond de tiroir" les asthénies sans anomalies biologiques spécifiques », souligne le Pr Cabane.
Qu'il s'agisse du syndrome de fatigue chronique (SFC) ou de la fibromyalgie, ces pathologies ont en commun un épuisement qui empêche progressivement de marcher ou même de faire les gestes les plus banals. Malgré de nombreux symptômes, les examens habituels sont négatifs. Les médecins ont beau prescrire des antalgiques ou des anti-inflammatoires, des antibiotiques ou des tranquillisants, rien n'y fait. Sans compter que ces maladies sont encore mal reconnues en France.
Quand on a mal partout
Le syndrome de fatigue chronique
« Les actes les plus simples de la vie quotidienne, comme passer l'aspirateur ou aller chercher les enfants à l'école, sont devenus impossibles à faire en quelques mois, raconte Annick Benoit, fondatrice d'une association d'entraide pour le syndrome de fatigue chronique. Mais il a fallu que je consulte beaucoup de spécialistes, psychiatres compris, avant d'obtenir le bon diagnostic. »
Estimées en France entre 30 000 et 150 000, ces personnes ont en commun d'avoir attendu des mois, voire des années, avant qu'un médecin mette un nom sur leur fatigue. Le syndrome de fatigue chronique répond pourtant à des critères précis :
- douleurs musculaires ;
- céphalées ;
- ganglions ;
- maux de gorge ;
- dégradation de la mémoire à court terme et de la concentration ;
- faiblesse musculaire...
Ces symptômes persistent pendant plus de six mois. La recherche piétine encore au sujet de leur origine.
A défaut de traitement spécifique, on cherche à diminuer le stress, améliorer le sommeil, maintenir et développer le niveau d'activité physique grâce à la kinésithérapie.
La fibromyalgie
Autre syndrome d'origine inexpliquée et encore trop méconnu, la fibromyalgie se caractérise par une fatigue intense et des douleurs articulaires et musculaires diffuses.
Comme le SFC, elle est encore trop souvent assimilée à une maladie psychiatrique. Elle est pourtant reconnue par l'OMS comme maladie rhumatismale depuis 1992. L'un des principaux moyens de diagnostic se fait d'ailleurs par la pression de points cutanés : si au moins onze de ces dix-huit points sont douloureux, on considère qu'il y a bien une fibromyalgie. Sans doute plus fréquente en France que le SFC ou en tout cas mieux étudiée, elle touche surtout les femmes.
Sur la piste du syndrome de fatigue chronique
Il y a eu beaucoup de fausses pistes. On a soupçonné une origine génétique, virale ou immunitaire, et un mélange de tout cela. De récentes recherches ont permis de constater chez les patients, une sollicitation excessive du système immunitaire.
La cause reste encore à identifier. Des marqueurs sanguins pourraient peut-être bientôt permettre un diagnostic grâce à une simple analyse de sang. Reste également la piste neurologique, reliée aux anomalies cérébrales repérées à l’IRM. Mais, là encore, rien de bien précis.
À lire aussi : Toujours fatigué : l’importance de se resynchroniser au bon rythme !