Au départ, il y a la forte stimulation d'un récepteur de la douleur (un "nocicepteur") situé sur la peau ou dans les organes. Amenée via des fibres nerveuses jusqu'au cerveau, l'information douloureuse y est alors associée aux souvenirs, émotions, niveau d'hormones...
En retour, le cerveau libère des endorphines, des substances calmantes analogues à la morphine, et d'autres bloquant l'arrivée de nouveaux messages douloureux. Parallèlement, d'autres fibres nerveuses sont excitées (sensibles au toucher, notamment) pour entrer en compétition avec celles de la douleur.
Peut-on augmenter son seuil de résistance à la douleur ?
Il varie énormément d'une personne à l'autre, d'un moment à l'autre de la vie car des facteurs corporels et psychologiques entrent en jeu. Augmenter ce seuil de résistance fait partie des objectifs du traitement. Plusieurs techniques existent :
Comprendre ce que représente la douleur pour vous : à quoi est-elle reliée ? Que faites-vous lorsque vous avez mal ?
Solution : corriger les conduites néfastes (position, mouvements inadaptés, repos abusif) qui accentuent la douleur.
Se distraire en choisissant des activités compatibles avec votre état, afin de limiter l'information douloureuse.
Solution : aller au cinéma, rencontrer des amis, reprendre une activité physique...
Se relaxer grâce aux techniques apprises avec un thérapeute (kinésithérapeute, psychomotricien) : cela aide à affronter la situation et à détourner l'attention de la douleur.
Lutter contre l'insomnie. Solution : relaxation, passiflore (deux gélules au coucher), voire hypnotiques ou antalgiques à effet sédatif.
Plusieurs catégories de douleurs chroniques
Toute la difficulté de la prise en charge commence là : identifier votre douleur afin d'adapter la bonne stratégie thérapeutique.
Les douleurs "nociceptives", les plus fréquentes, proviennent d'une atteinte corporelle (peau, muscle, articulation, organe...) à l'exception des nerfs. En gros, les voies de la douleur marchent trop fortement. Lesquelles ? Toutes les douleurs "habituelles " articulaires, lombaires, digestives, gynécologiques, séquelles de traumatismes, pathologies rhumatismales inflammatoires.
Les douleurs neurogènes ou neuropathiques sont liées à une atteinte des nerfs ou à leur "emballement". Sous la forme de brûlures, de fourmillements douloureux ou de décharge électrique, elles sont parfois intenses, difficiles à cerner et à traiter par les antalgiques habituels.
Lesquelles ? Zona, diabète, névralgie, cicatrices, sciatique, scléroses en plaques...
Les douleurs psychogènes sont indépendantes de toute lésion. En général, elles surviennent chez des personnes qui sont en souffrance psychologique et qui somatisent". Mais ces sensations douloureuses sont bien réelles.
Lesquelles ? Certaines céphalées de tension (liées au stress), fibromyalgie, certaines lombalgies, glossodynie (douleur de langue), coccodynie (douleur du coccyx).
Comment devient-elle chronique ?
On parle de douleur chronique quand elle persiste plus de trois à six mois. Très souvent, cette "chronicisation" combine une lésion initiale (séquelle d'opération, lésion mal soignée) et des facteurs regroupés sous l'étiquette "psy" (anxiété, dépression...). Attention : la tête ne crée pas la douleur, elle en module la perception.
Surtout dans certaines situations :
- Le "catastrophisme" qui pousse à voir la douleur comme le signe d'une maladie grave.
- L'attention portée à la douleur : un sportif se fixera plus qu'un sédentaire sur un genou douloureux.
- L'influence des comportements familiaux ou culturels, par exemple chez les migraineux.
- L'ennui entraîne une hyper vigilance à ses sensations, en particulier chez les personnes âgées.
- Un stress post-traumatique, responsable de 10 à 15 % des douleurs chroniques. D'où l'importance de traiter toute douleur aiguë.
- Les facteurs socio-professionnels d'après une étude de l'Inserm sur les lombalgies chroniques, elles sont favorisées par un travail monotone, des contraintes de temps ou de rendement, le manque d'autonomie...
- Des situations personnelles précaires, liées à la solitude ou au stress.
- Le manque de sommeil, souvent dû à la douleur chronique, augmente l'attention qu'on lui porte
- Des postures ou des attitudes « d'évitement » de la douleur qui finissent par l'accentuer.
Les femmes sont-elles plus sensibles ?
Selon la plupart des études épidémiologiques, les femmes souffrent plus fréquemment que les hommes. D'abord parce qu'elles s'expriment davantage que ces derniers qui mettent parfois du temps à consulter.
Des travaux expérimentaux ont aussi montré que le seuil douloureux varie avec le cycle menstruel : il est au plus bas au début du cycle. Mais si les femmes appliquent un patch d'œstrogènes durant cette période (ou si elles sont sous certaines contraceptions orales), leur seuil remonte au même niveau que celui des hommes. Explication : sous l'influence hormonale, le cerveau libérerait davantage d'endorphines.
Le rôle de la mémoire
Tout le monde en a fait l'expérience. Au souvenir d'une piqûre douloureuse, l'approche de la seringue fait déjà mal. Dans la douleur chronique s'ajoute une mémorisation physiologique : face à une douleur persistante, il se crée de nouvelles voies chimiques qui rendent les nerfs plus sensibles à de futurs messages douloureux. Ainsi, certaines personnes souffrant de colopathies fonctionnelles porteraient l'empreinte cérébrale d'une douleur de la petite enfance, liée à des coliques chroniques mal soignées.
Quels sont les traitements disponibles
Les médicaments
Ils ont deux rôles réduire le zèle des voies de la douleur et renforcer les mécanismes naturels de contrôle. Mais surtout, la prise en charge d'une douleur chronique est en réalité celle du patient douloureux chronique, dans sa globalité. Voilà pourquoi les centres anti-douleur comptent des équipes pluridisciplinaires. Toute douleur chronique peut bénéficier de médicaments. A choisir en fonction du type de douleur et de la personne.
Les antalgiques...
Les antalgiques soulagent surtout les douleurs nociceptives. Il en existe deux catégories.
Les non-opioïdes (paracétamol, anti-inflammatoires type aspirine).
Les opioïdes, faibles (codéine, tramadol) ou forts (morphine, Fentanyl). Tout l'art du médecin est de trouver la puissance antalgique en phase avec l'intensité douloureuse. Dans ce cas, il n'existe pas de dépendance ni a priori d'effets secondaires gênants... quelle que soit la dose.
Quelles douleurs ? Maux de tête et de dos, douleurs articulaires, musculaires (surtout le paracétamol), de règles (paracétamol), phase aiguë du zona.
Et les autres
Les médicaments autres que les antalgiques, souvent prescrits pour les douleurs neurogènes •
Antiépileptique ou anticonvulsivant qui, en dehors de leur action première, atténuent les douleurs neurogènes (surtout de type "décharge électrique").
Quelles douleurs ? Névralgies faciales, douleurs d'un membre fantôme, du zona, de la dent fantôme (3 % de la population souffre suite à l'extraction d'une dent ayant entraîné une lésion nerveuse), hémiplégie, cicatrices...
Antidépresseurs tricycliques : ils réduisent la souffrance probablement en renforçant les contrôles naturels de la douleur. A doses souvent inférieures que pour un effet antidépresseur, ils soulagent en une dizaine de jours.
Quelles douleurs ? Sciatique chronique (pour les douleurs de type brûlure), hémiplégie, scléroses en plaques, neuropathie de type diabétique, douleurs du zona...
D'autres médicaments plus ciblés agissent directement sur l'organe atteint : les antispasmodiques sur les muscles de l'intestin, de l'utérus et des voies urinaires ; les myorelaxants sur les muscles des mouvements ; les corticoïdes sur l'inflammation.
Les centres anti-douleur
Une "structure anti-douleur", consultation, unité ou centre repose sur un travail d'équipe. Internistes, neurologues, psychiatres, pédiatres, rhumatologues, infirmières, kinésithérapeutes... cherchent ensemble les meilleurs moyens pour vous soulager.
L'évaluation de la douleur
Le diagnostic
A la première consultation, les personnes racontent l'histoire de leur douleur, la mesurent grâce à différentes échelles (une réglette dotée d'un curseur qu'on déplace en fonction de l'intensité), la décrivent (étirement, brûlure, épuisement, angoisse), évaluent ses retentissements sur leur travail, leurs relations aux autres, leur vie sexuelle, leur sommeil.
Cette auto-évaluation est indispensable pour aiguiller les médecins, qui, de leur côté, doivent consacrer du temps et de l'écoute à leurs patients.
Mieux la prendre en compte pour la soulager
Petit à petit, des unités d'évaluation et de traitement de la douleur voient le jour en France. Voilà parfois plusieurs années que ces hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, y viennent deux fois par semaine pour soulager leurs douleurs souvent psychogènes.
L'équipe pluridisciplinaire propose, selon les profils, des séances qui combinent une ionisation (oligoéléments infiltrés par électrolyse) pour détendre, une électrostimulation pour atténuer la souffrance... et de l'écoute pour comprendre et apaiser ces personnes en souffrance psychologique. Elle peut aussi orienter vers l'acupuncture ou encore la luminothérapie si nécessaire.
Colette, immobilisée durant plusieurs semaines par une neuropathie des jambes, a ainsi pu remarcher au bout de dix séances. Elle a aussi réduit les antalgiques et, surtout, repris espoir. Dans la pièce voisine, Michelle souffre d'une fibromyalgie qui l'épuise au point de ne plus pouvoir travailler. « Je me sens apaisée alors qu'en arrivant ici, j'étais au bout du rouleau », dit-elle après avoir suivi deux cures.
Et les enfants ?
On le sait désormais, l'enfant dès son plus jeune âge souffre autant, voire plus que l'adulte. Même pour un petit "bobo", les gestes et les mots sont indispensables pour le rassurer et atténuer ses futurs comportements douloureux.
Parmi les douleurs chroniques de l'enfance, les plus courantes sont celles de l'abdomen (aux causes multiples telle la mémorisation dans la petite enfance de fortes douleurs du ventre, l'alimentation, le stresse...) et les migraines, souvent liées au stress ou à l'anxiété.
Le paracétamol est le médicament de choix, et la relaxation, une méthode établie sur les céphalées de l'enfance.
Les 6 techniques non médicamenteuses
1. L'hypnose
Elle est désormais prise en considération dans les services antidouleur. Elle peut être efficace - à condition d'être "répondeur" dans la plupart des douleurs rebelles. Ses buts élever le seuil de perception douloureuse, rectifier les réactions émotionnelles parfois démesurées face à sa souffrance, relaxer.
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2. L'électrothérapie
Associant ultrasons, ondes courtes, ultraviolets et infrarouges pour lutter contre toutes sortes de douleurs, l'électrothérapie stimule certaines fibres nerveuses pour couper le circuit de la douleur. On trouve maintenant en pharmacie des petits appareils de stimulation électrique (TENS) qui, par contact avec la peau, soulagent les douleurs neurologiques, articulaires et parfois aussi les fibromyalgies. A utiliser avec prudence et sur avis du médecin traitant.
Quelles douleurs ? Lombalgies chroniques, céphalées, douleurs zona, douleurs postopératoires.
3. L'ostéopathie
Grâce à des techniques manuelles sur les articulations, les viscères ou le crâne, l'ostéopathie défait des « nœuds » invisibles en médecine traditionnelle. Le thérapeute peut aussi déceler une somme de micro-traumatismes : ils ont fini par créer des petits déséquilibres positionnels entretenant la douleur chronique.
Quelles douleurs ? Problèmes rhumatologiques, maux de tête, douleur de ventre ou de la région gynécologique...
4. L'acupuncture
En piquant sur certains points précis de la circulation d'énergie vitale, on rééquilibre, selon les praticiens, cette circulation. D'un point de vue occidental, le fait de piquer libérerait des endorphines naturelles ; pour d'autres, les aiguilles provoqueraient une douleur masquant la douleur initiale. Une étude norvégienne a montré l'efficacité sur le long terme de l'acupuncture chez des femmes souffrant de douleurs chroniques à l'épaule et au cou.
Quelles douleurs ? Douleur névralgique, lombalgie, fibromyalgie, rhumatisme, zonas, certaines céphalées, douleurs des membres fantômes...
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5. La kinésithérapie
Pour de nombreuses douleurs chroniques touchant l'appareil locomoteur, elle aide à lutter contre l'inactivité. Premières cibles : les lombalgies chroniques et l'arthrose. Les rééducateurs apprennent aussi à bouger autrement avec la douleur.
Quelles douleurs ? Lombalgies chroniques, arthrose, cervicalgie, dorsalgies, douleurs musculaires et ligamentaires...
6. L'approche cognitivo- comportementale
Basée sur la relaxation ou la sophrologie, elle aide à modifier l'idée de sa douleur et les comportements inadaptés. Beaucoup de consultations douleur proposent cette approche en séances individuelles ou en groupe, axées sur une pathologie (école du dos, groupe migraine). Une psychothérapie de soutien est d'une aide précieuse face à des syndromes douloureux complexes comme la fibromyalgie.
Quelles douleurs ? Toutes les douleurs chroniques, car ces techniques s’adressent à la personne bien plus qu'à la douleur elle-même.
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