Comment nos expériences façonnent notre cerveau ?
De la naissance à la mort, le cerveau se réorganise en permanence pour s'adapter à son environnement. C'est ce qu'on appelle "la plasticité cérébrale". Chez chacun d’entre nous, ce potentiel dépend de notre patrimoine génétique, mais surtout de nos expériences de vie. Plus on multiplie ces expériences, plus on augmente la plasticité du cerveau, donc ses capacités de mémorisation. Un cerveau adulte n'a pas perdu toute possibilité de se remanier. Il est en construction permanente.
À chaque fois qu'une information nouvelle nous parvient (un son, une image, une odeur...), elle est analysée, encodée et stockée dans différentes régions du cerveau d'où elle sera rappelée en cas de besoin.
Ces opérations complexes sont réalisées par nos 100 milliards de neurones (les cellules nerveuses cérébrales), connectées entre elles par l'intermédiaire des synapses. Plus l'information est riche et variée, plus le réseau de synapses et de neurones se densifie. En laboratoire, les animaux vivant dans un environnement enrichi ont des capacités cérébrales, et notamment de mémorisation, plus importantes que les autres.
Pour un rat de laboratoire, un "environnement enrichi" signifie vivre au milieu de congénères, avoir une nourriture variée et agréable, la possibilité de jouer, de profiter d'odeurs sans cesse renouvelées...
Pour l’homme, c'est exactement la même chose. Fréquenter d'autres humains, échanger des idées, acquérir de nouvelles connaissances stimulent nos neurones et les incitent à développer sans cesse de nouvelles connexions. Si nous passions notre vie enfermés, sans liens avec l'extérieur, sans livres et sans amis, notre cerveau aurait toutes les raisons de décliner.
De nouveaux neurones en permanence
Stimuler notre cerveau induit également la fabrication de nouveaux neurones ! L'idée paraissait complètement folle il y a quelques années puisqu'on croyait que tout était figé à l'âge adulte. Et pourtant, tout au long de la vie, de nouveaux neurones naissent dans l’hippocampe, une aire cérébrale qui est un véritable carrefour de tous les processus de mémorisation. Ils migrent ensuite dans le bulbe olfactif, autre aire cérébrale dédiée au traitement des odeurs.
Une chose est sûre : ces cellules toutes fraîches sont chargées de traiter les informations nouvelles. Et, là encore, plus elles reçoivent d'informations plus elles se multiplient.
Peut-être disposerons-nous à l'avenir d'une molécule capable de stimuler la fabrication de ces nouveaux neurones de manière ciblée. Les applications seraient multiples : réparer un cerveau lésé par un traumatisme, un accident vasculaire ou une maladie neurogénérative comme Alzheimer ou Parkinson. Et, pourquoi pas, freiner les effets de l'âge.
Le cerveau vieillit peu
En réalité, nos capacités cérébrales (la mémoire, l'attention, le langage, le raisonnement...) sont relativement peu touchées par le vieillissement. Au fil des ans, la production de nouveaux neurones ralentit et l'influx électrique qui passe par les synapses est moins rapide.
Mais, nous conservons toute notre vie notre culture générale et nos automatismes (conduire par exemple). En revanche, la mémoire "épisodique" (se souvenir d'un nom, des dernières vacances...), la vitesse de traitement des informations, la capacité à gérer deux tâches en même temps et à résister aux interférences deviennent un peu moins performantes.
Des réseaux complexes
Notre "matière grise" est faite de réseaux de cellules nerveuses. Les astrocytes font partie des cellules "gliales". Leur rôle est de nourrir les neurones. Dans notre construction cérébrale, elles représentent en quelque sorte le ciment, tandis que les neurones figureraient les briques. Ces neurones communiquent par des phénomènes électriques. L'axone conduit ce message nerveux dans tout le réseau.
Une personne âgée a plus de difficulté à soutenir son attention dans le temps et elle est moins rapide. Mais si elle prend tout son temps pour réfléchir, dans un environnement calme, elle a autant de chances de réussir une tâche qu’une personne jeune, et elle compensera par une plus grande précision dans la réalisation de cette tâche.
Ceci dit, certains cerveaux vieillissent mieux que d'autres. II y a une énorme hétérogénéité selon les individus. On décline moins vite, voire pas du tout ou peu dans ses domaines de compétences : un comptable de 80 ans comptera toujours mieux qu'un adulte de 20 ans qui ne compte jamais.
L'ennui, le pire ennemi
Plus que le vieillissement, c'est le manque d'activités et l'ennui qui perturbent le plus les performances cérébrales des seniors. L'étude Share, menée auprès de 37000 personnes dans treize pays, avec le financement de la Communauté européenne, vient de le confirmer.
Des tests de mémoire et de langage ont été effectués sur des personnes de 50 à 90 ans et plus. Et le verdict est sans appel : passé la retraite, les résultats des tests sont nettement plus mauvais. La France, la Pologne, l'Autriche, la Belgique et l'Italie, des pays où l'on part tôt à la retraite, ont les plus mauvais scores. Les meilleurs sont la Suède et la Suisse où l'on quitte son emploi plus tard.
Faut-il pour autant reculer encore l'âge légal de départ en retraite ? C'est une autre question.
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