On le sait, l'effet dépresseur de l'alcool sur le système nerveux central réduit l'anxiété et les tensions en procurant une sensation de détente et de bien-être. Mais on sait moins que c'est une véritable maladie généralement inscrite dans les gènes du buveur. Les alcoologues parlent de "vulnérabilité à l'alcool" qui se révèle ou non. Ce facteur de risque génétique souvent familial ne signifie pas pour autant "hérédité", tant l'environnement et la responsabilité de chacun jouent un rôle important dans la maladie alcoolique.
Comment devient-on alcoolique ?
Comprendre "comment" est plus important dans un premier temps que comprendre "pourquoi". Dans quelles circonstances une personne a-t-elle cette pulsion de boire ou ces coups de déprime qui la conduisent à l'abus d'alcool pour oublier dans quels lieux, avec qui... ? Autant de questions qui permettent de bâtir avec elle ses défenses. Ce n'est qu'ensuite, après un travail de psychothérapie, qu'on arrivera à déterminer "pourquoi" elle a ce vécu sensitif, émotif, cette insatisfaction ou cette trop grande sensibilité aux frustrations.
Ce qui définit l'alcoolisme, c'est plus la recherche de l'effet, la stratégie pour obtenir sa drogue que la quantité d'alcool absorbé. Car nous ne sommes pas égaux devant l'alcool : selon les individus, les effets sont variables.
Pour des raisons physiologiques et organiques, les femmes sont plus sensibles que les hommes : elles ont une alcoolémie plus élevée qu'eux pour la même consommation.
Entrent en compte le poids corporel, le poids musculaire et un métabolisme de l'alcool différent de ceux de leurs congénères masculins. Bien qu'aucune évaluation ne soit réellement possible, il apparaît néanmoins que la France, tout en restant dans le peloton de tête avec le Portugal, a connu une régression de 30 % en 30 ans.
Détail rassurant, l'alcoolisme des femmes n'est pas, comme certains l'affirment, en progression ; ce qui progresse, c'est leur demande de soins. Depuis quelques années, elles s'adressent en effet davantage aux médecins des hôpitaux pour être aidées.
Et les jeunes ?
Si les enfants sont aujourd'hui moins alcoolisés, on sait, par contre, que les adolescents boivent de plus en plus tôt ; la première rencontre avec l'alcool se fait d'ailleurs lors des réunions familiales au cours de l'enfance ou de la prime adolescence. Si, fort heureusement, la grande majorité d'entre eux resteront par la suite des consommateurs modérés, certains deviendront des alcoolodépendants.
Il ressort de deux enquêtes que les jeunes qui boivent peu sont contents de leur environnement familial et scolaire, confiants dans la société et n'ont que peu d'amis. A l'inverse, ceux qui boivent le plus sont en général contestataires, extravertis, peu satisfaits de la vie ; ils ont de nombreux amis mais sont mal dans leur peau. Besoin d'exister, peur de grandir, attrait de l'interdit, dérivatif au mal de vivre, manque d'amour... autant de raisons les conduisant aux dangers de l'excès et qu'on retrouve dans la motivation des alcooliques adultes, toutes classes sociales confondues.
Une façon de s'autodétruire
Pourtant, à l'instar des autres drogues, l'alcool n'a jamais résolu aucun problème ni apporté de réponse aux angoisses de notre société. Une sorte d'autodestruction, de fuite en avant aux conséquences souvent douloureuses pour soi et pour les autres.
La maladie alcoolique génère de graves désordres dans l'organisme, réduisant l'espérance de vie ; le foie, le cerveau, le cœur, le pancréas... sont les organes les plus touchés ; ses effets sur le système nerveux sont dramatiques, l'agressivité accompagnant toujours les autres dérèglements.
Le plus terrible, dans cette maladie, reste qu'elle est difficile à cerner, le buveur niant généralement tout en bloc ; ses mensonges et sa mauvaise foi sont mus par la peur et la honte.
Les moyens de s'en sortir
La décision d'arrêter de boire ne peut venir que du buveur. Elle résulte d'un long cheminement et n'intervient que lorsqu'il admet sa maladie avec le désir de sortir de son enfer. S'il n'y a pas de recette miracle, il n'y a pas non plus de guérison possible sans aide extérieure. Parallèlement à cette aide médicale (consultations spécialisées et Centres d'hygiène alimentaire), le soutien psychologique du malade est indispensable. Pour retrouver un sens à leur vie, le buveur et ses proches devront effacer les fausses idées reçues, éviter les attitudes négatives, l'angoisse, les disputes, dédramatiser la situation et réapprendre la confiance. Un programme difficile à réaliser.
C'est pourquoi des Associations d'anciens buveurs existent dans chaque département. Lieux de réconfort, elles respectent l'anonymat, accueillent les consultants sans jugement, leur permettant de surmonter les effets du sevrage. Entretiens, rencontres, partage déculpabilisent le malade, lui redonnant l'espoir. L'élément essentiel de ces rencontres est "l'honnêteté" des propos échangés.
De ce travail en commun résultent la connaissance de soi et la reconnaissance des autres. Se tourner vers les autres procure quelquefois un grand soulagement qui comble le vide.
« Et lorsque l'obsession de boire disparaît enfin, confie un ancien buveur, c'est la délivrance ! Une libération extraordinaire qui nous permet de vivre à nouveau heureux et sans alcool. »
Familles en détresse
Pour aider les familles dont la vie est profondément affectée par cette situation, des Fraternités se sont créées dans toute la France. Anonymat, gratuité, confidentialité sont les principes de ces Associations. Elles permettent d'éviter l'isolement, de comprendre le processus complexe de la maladie et d’avoir conscience de son aspect destructeur.
Le climat y est chaleureux et leur fonctionnement repose sur le partage d'expérience„ Avec l'appui des autres, on y apprend à garder son sang-froid et à faire face de façon constructive tout en gardant espoir.
Des Groupes Familiaux identiques existent pour les adolescents ; ils y rencontrent d'autres jeunes affectés par la consommation d'alcool d'un/une proche et y acquièrent les connaissances nécessaires pour affronter la réalité. La route qui mène à l'abstinence durable et définitive est longue et laborieuse. La maladie a mis du temps à se développer, la convalescence résulte, elle aussi, d'un long processus. Avec beaucoup de patience et d'amour, la victoire est au bout du chemin...
De l'accoutumance à la dépendance
Pour obtenir les effets désirés, le buveur devra sans cesse augmenter la dose d'alcool ; c'est "l'accoutumance", première étape conduisant rapidement à la "dépendance".
On ne boit plus par goût, mais par besoin des effets psychotropes de l'alcool qui devient un anxiolytique, un antidépresseur, voire un antistress. Le dépendant met en place une stratégie de recherche et d'attente de ces effets. On aboutit à l'alcool-drogue, avec toutes ses conséquences.
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