Pour les uns, le travail est une vraie source d'épanouissement. Pour les autres, c'est un fardeau qu'ils portent quotidiennement.
Le bien-être professionnel est inégalement réparti. Et pourtant ! Toutes les conditions sont réunies pour que l'on soit plus heureux au travail qu'autrefois : les machines ont remplacé les travaux les plus pénibles ; le temps de travail s'est considérablement réduit ; la psychologie et la médecine du travail ont fait des progrès notables. Alors pourquoi certains se sentent mal dans leur environnement professionnel et le stress au travail a-t-il gagné autant de terrain ? Quelles sont les conditions du bien-être au travail ?
La première condition du bien-être, tous les observateurs en conviennent, c'est le plaisir du travail bien fait. C'est typiquement le cas de l'artisan qui contemple l'objet qu'il vient de fabriquer. Il en est fier. Michel, artisan chocolatier, explique à quel point son métier requiert un savoir-faire particulier "Il faut savoir le travailler, le chocolat, ça a l'air tout simple, mais c'est très précis. C'est vraiment une spécialité. " Ce plaisir se retrouve dans tous les domaines professionnels. Il est renforcé lorsqu'une personne exerce une activité qu'elle ne pourrait pas avoir en dehors de son travail "Au bureau, je peux utiliser des ordinateurs auxquels je n'aurais pas accès ailleurs" remarque un informaticien. Une infirmière parle de son plaisir "d'utiliser un matériel de pointe " à l'hôpital.
Donner du sens à ce que l'on fait
Cette satisfaction, pour être entière, doit en rejoindre un autre : celle du sens que l'on donne à son travail.
Quelles que soient nos responsabilités, nous avons besoin de savoir pourquoi nous travaillons. C'est pourquoi la division du travail en de multiples tâches mécaniques, le travail à la chaîne, par exemple, est tellement éprouvante pour ceux qui la subissent. Ne sachant ni ce qui se passe avant leur intervention ni ce qui se passe après, ils ont le sentiment d'être ravalés au rang d'une machine.
En comprenant le sens de son travail, on saisit l'utilité de celui-ci. Nadia, assistante de vie à mi-temps, s'occupe de personnes âgées à domicile : "Je me sens utile, les personnes m'attendent. Elles ont besoin de moi pour leur remonter le moral, pour pouvoir parler. Elles sont souvent seules."
Une bonne ambiance dépend de la volonté de chacun
Autre condition de satisfaction au travail : les contacts humains. On sait combien est importante l'ambiance qui règne dans son entreprise pour que l'on s'y sente bien. Les managers, en France, n'y sont pas assez sensibles. Ils ne se rendent pas toujours compte que l'entreprise a intérêt à ce que ses employés soient heureux de travailler. Dans les pays anglo-saxons, il existe des well-being managers, des directeurs du bien-être. En France, nous en sommes loin.
Néanmoins, la bonne ambiance au travail dépend aussi de la bonne volonté de chacun. Si l'on attend tout des autres (collègues, patron, subordonnés… ) sans faire le premier pas, les choses risquent de rester en l'état.
Les contacts avec l'extérieur, avec les clients notamment, ont aussi un rôle à jouer. Pascal, ancien routier, souffrait dans son métier d'un certain isolement.
Il est devenu chauffeur de bus pour être en contact permanent avec autrui. Ce n'est pas facile tous les jours, mais il est heureux d'avoir changé. Jean, qui travaille chez un promoteur immobilier parisien, évoque son quotidien : "Je suis en contact avec des gens très divers, des architectes, des clients - particuliers ou entreprises — qui viennent visiter les appartements. Tous ont des personnalités, des motivations différentes. C'est passionnant !"
Pour Virginie, documentaliste dans un institut d'enseignement supérieur, à Angers "le contact avec les élèves est très, enrichissant, il m'aide à rester jeune d'esprit, ouverte sur le monde et l'actualité."
Le contact avec les autres débouche sur un sentiment essentiel : la reconnaissance. Celui qui travaille entend voir son activité reconnue, par ses collègues et par ses clients. "C'est agréable de rendre des services à des clients sympas qui sont contents de votre travail", affirme un plombier chauffagiste. "Les gens ne sont pas toujours aimables, reconnaît ce conducteur de bus, pourtant un sourire de quelqu'un, c'est formidable !"
Trouver un équilibre entre vie professionnelle et privée
Reconnaissance, aussi, de sa hiérarchie. Les compliments de son supérieur sont utiles, non seulement pour le plaisir qu'ils procurent (une "émotion positive", disent les psychologues), mais parce qu'ils nous guident et nous permettent de progresser. Les critiques également. A condition que seul soit en cause le travail effectué et non la personne elle-même. S'entendre dire : "Tu as fait une erreur", ce n'est pas la même chose que "Tu es idiot". Idem pour les compliments s'ils concernent une tâche précise, ils sont très positifs ; mais, s'ils touchent la personne elle-même, cela peut entraîner la relation entre l'employé et l'employeur sur un terrain affectif où elle n'a rien à faire.
Enfin, l'épanouissement professionnel dépend de la façon dont on s'investit dans son travail. L'investissement émotionnel est nécessaire pour être heureux. Il faut aimer son travail. Mais c'est comme une relation amoureuse : il faut avoir quelque chose en retour ! Le monde du travail est devenu précaire, incertain. Donc, l'investissement doit être raisonnable.
Raisonnable, c'est-à-dire ni trop ni trop peu. Celui qui refuse de se donner réellement à son travail risque fort de stagner et de s'y ennuyer. A l'inverse, la personne qui se surinvestit dans son activité professionnelle, qui lui donne tout - ce que les Anglo-Saxons appellent le workaholic, le drogué du travail prend des risques certains.
D'une part, de mettre sa vie de famille en péril, en même temps que sa santé physique et psychique ; d'autre part, de perdre toute raison de vivre s'il venait à perdre son emploi.
En bref, le bon investissement au travail ne doit être ni extrême, ni unique. Ceux qui sont heureux au travail sont ceux qui arrivent à trouver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Autrement dit "J'aime mon travail mais il n'y a pas que le travail dans ma vie." « Il ne faut pas se cloisonner, insiste Patrick Légeron. Un individu malheureux en famille peut-il être heureux ailleurs ? Il faut jouer sur les deux registres, et avoir une vision globale de l'être humain. »
Faites un bilan de compétences
Pour ceux qui n'ont pas trouvé leur voie, qui ont le sentiment d'avoir fait le tour de leur métier, ou encore ceux qui ne travaillent plus mais qui ne savent pas vers quoi se tourner. Des spécialistes examinent votre profil, vous aident à relire votre expérience, à vous poser les bonnes questions et vous accompagnent dans votre choix professionnel. Un travail sur soi passionnant ! Les bilans de compétences sont pratiqués, pour les demandeurs d'emplois, chez Pôle Emploi et par de nombreux cabinets privés.
Bon à savoir : Les salariés peuvent faire une demande au Fongecif pour obtenir un financement.
Les conseils des spécialistes
- Tordez le cou aux idées reçues ! D'abord celle qui veut qu'il y ait d'un côté les "bons" qui réussissent, et de l'autre les "mauvais" qui rateront toujours tout. Il y a des personnes qui sont à leur place, et d'autres qui ne le sont pas. Tout le monde a vocation à trouver sa place ; certains la trouvent plus vite que d'autres.
- Évitez les idées toutes faites sur les "bonnes" et les "mauvaises" professions, les "bonnes" et les "mauvaises" études... Le meilleur travail, c'est le plus adapté à celui qui l'exerce ; les meilleures études sont celles qui correspondent le mieux à celui qui les suit.
- Combattez le préjugé en faveur du travail "intellectuel", au détriment du travail "manuel". Ainsi, pour démonter et réparer une montre, un horloger utilise ses connaissances, son expérience et son habileté manuelle. S'il n'avait que ses mains, il serait incapable de réparer quoi que ce soit ! Il en est ainsi de tous les métiers "manuels", injustement dévalorisés.
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