Les souvenirs du coma
Les scènes de guerre, une salle de spectacle bondée, un ange aux ailes alourdies... ces rêves étranges sont racontés par Dominique Bromberger dans son livre. L’ancien journaliste de France Inter a mené une véritable enquête sur les trois semaines qu'il a passées dans le coma, à la suite d'un accident de scooter.
Il raconte des images et des rencontres particulièrement troublantes, comme cette femme vêtue de blanc qui le convainc de changer de route au moment où il se dirige vers un cimetière... « Toute cette période, où j'étais sans doute très proche de la mort, était très paisible. Ensuite, ce fut le difficile retour à la vie », explique-t-il.
Rares sont les patients qui peuvent raconter quelque chose de leur coma.
La plupart, surtout ceux qui souffrent de lésions au cerveau, n'en ont aucun souvenir. Il faut distinguer le véritable coma, qui est dû à une atteinte cérébrale, par exemple un traumatisme crânien, et qui plonge le patient dans l'inconscience, et le coma artificiel, dû à une sédation, au cours duquel les circuits cérébraux sont simplement mis au ralenti. Selon les cas, le vécu des patients sera totalement différent.
Sentir la présence de ses proches est déterminant
Après une lésion cérébrale (traumatisme crânien, rupture d'anévrisme...), le patient plonge dans l'inconscience pendant une période plus ou moins longue. De ce trou noir, il ne gardera aucun souvenir. Les premières bribes de sensations se situent en fait dans la phase d'éveil, après l'ouverture des yeux.
Mais cette transition peut durer plusieurs jours, parfois plusieurs semaines. Pour aider le malade à émerger, on incite les familles à lui parler, à le caresser, à exprimer leur attachement... « L'important, c'est l'affectif. Sentir la présence de ses proches est déterminant », souligne Dominique Bromberger, qui raconte une anecdote troublante Alors qu'il semble totalement inconscient, sa femme lui annonce qu'il va être grand-père. Après son réveil, celle-ci est sur le point de répéter la grande nouvelle lorsqu'il l'interrompt : « Oui, je sais, Marie-Laure va avoir un bébé. »
Céline croyait être dans les vapes pendant ses 28 jours de coma, après avoir été renversée par une voiture. Deux ans après l'accident, elle a voulu visiter la chambre qu'elle occupait en réanimation. Et, à sa grande surprise, elle a immédiatement reconnu l'un des infirmiers !
L’amnésie après le coma
Sans que l'on sache pourquoi ni comment, des informations et des émotions, positives ou négatives, réussissent à franchir le mur du coma. Il faut être attentif à ce qu'on dit au chevet de ces personnes. Par exemple, on évite de parler de leurs séquelles ou de la mort des autres passagers dans l'accident. Les patients perçoivent la tonalité du discours qu'on leur tient.
Marc, lui, est sorti de cet étrange sommeil au bout d'un mois. Mais il ne peut rien en dire. Victime d'un accident de la route en 1987, il est resté totalement amnésique. C'est comme si le choc, le coma, le réveil étaient recouverts d'un voile opaque. « J'ai un trou complet dans ma vie qui s'étale sur un an », raconte Marc.
Certains patients supportent très mal de ne garder aucun souvenir de cette période pendant laquelle ils étaient sans défense, totalement dépendants. Ils veulent qu'on leur raconte pour pouvoir se reconstruire.
Céline a lu avec beaucoup d'émotion le journal intime que sa mère tenait pendant qu'elle était dans le coma : « À chaque fois, je fonds en larmes. J'imagine à quel point ma famille a souffert alors que, moi, j'étais absente. » Certains psychologues recommandent aux familles de tenir des "cahiers de vie", qui serviront à faire le lien.
Les hallucinations quand on est dans le coma
Le coma artificiel, lui, plonge le malade dans une situation totalement différente. Il est parfois nécessaire d'endormir un patient pour mettre son métabolisme au repos et l'aider à supporter les traitements. Au bout d'un certain temps, on diminue les doses de morphine et d'hypnotiques.
Agités, violents, mêlant confusément cauchemar et réalité, certains patients sont sujets à d'impressionnantes hallucinations. Les médecins parlent de "delirium". Récemment, une des patientes du Dr Robert a réussi à griffonner sur un papier : « Fermez la porte. Toutes les bêtes au plafond me tombent dessus. Ne pas m'attacher, merci. » D'autres se voient persécutés, enfermés dans un camp de concentration. Le réveil dans un tel contexte est parfois si difficile que certains patients en restent profondément marqués. On parle même de syndrome de stress post-traumatique. une aide psychologique est souvent recommandée.
Face à de tels récits, l'équipe médicale ne peut rester indifférente : « Nous sommes conscients de la violence de la réanimation. Les patients agités sont attachés pour qu'ils ne tombent pas et n'arrachent pas les tuyaux qui les relient aux machines. Le bruit des alarmes est très agressif. Nous commençons tout juste à nous intéresser à cet environnement et à l'améliorer. Mais la réanimation restera toujours un univers difficile », remarque le Dr Robert.
Au sortir du coma, une autre forme de violence attend les patients. Il faut affronter la réalité, la gravité de la maladie, et parfois la lourdeur des séquelles. Malgré de multiples handicaps, Marc a entièrement refait sa vie. Il se sent aujourd'hui un autre homme. Céline réapprend lentement à marcher, à écrire, à lire... Mais, à 30 ans, elle ne peut pas encore mener une vie normale. Dominique Bromberger, hospitalisé à maintes reprises, avoue dans ses moments de découragement avoir une certaine « nostalgie des limbes ».
Le coma reste un mystère
Après un choc au cerveau, on mesure la profondeur du coma en notant les réactions du malade sur une échelle de 3 à 15. En dessous de 8, le pronostic est peu optimiste. La plupart des patients ouvrent les yeux au maximum deux ou trois semaines après l'accident. Mais certains ne reprennent jamais pleinement conscience, et cela reste un mystère. Ces "états végétatifs chroniques" peuvent durer des années sans aucune amélioration.