Le nombre des césariennes pratiquées chaque année en France ne cesse d'augmenter. Ceci parce que le désir des couples de tout "contrôler" et de programmer l'arrivée de leur enfant, se fait de plus en plus pressant.
De leur côté, les gynécologues obstétriciens admettent parfaitement cette demande d'autant qu'ils disposent de nouveaux moyens de surveillance du fœtus leur permettant d'y répondre.
Pour autant, nous ne sommes pas encore au niveau des pratiques américaines qui avaient fait grimper à 25 % le taux des accouchements par césarienne. Une politique que les obstétriciens d'outre-Atlantique revoient à la baisse car, disent-ils, "en augmentant le taux de césariennes, on augmente celui des grossesses ultérieures sur utérus cicatriciel avec le risque de complications, telles une rupture de la paroi utérine".
En France, l'adage "césarienne un jour => césarienne toujours" n’est plus obligatoirement de mise. Par exemple, explique le Dr Thierry Harvey, quand une patiente a accouché une première fois par césarienne et qu’elle attend des jumeaux, il est préférable de prévoir une césarienne pour prévenir les risques de rupture de la paroi utérine. »
Programmée ou non ?
Longtemps pratiquée pour la sécurité de la mère, la césarienne l'est aussi, aujourd'hui, pour celle de l'enfant. Les césariennes programmées ou prophylactiques, ou encore "à froid", représentent 50 % des césariennes. Leurs indications ont été revues en 2000 par le Collège national des gynécologues obstétriciens français. Elles concernent, entre autres, les bébés qui se présentent par le siège de manière "complète" (en tailleur). Les obstétriciens ont longtemps dit : "Si l’on ne peut pas faire naître le bébé par les voies naturelles, on décidera d'une césarienne en cours de travail". Or, des études ont montré qu'une césarienne programmée entraînait moins de complications que pratiquée en urgence. Autres cas de césariennes programmées : chez les femmes souffrant d'un diabète susceptible de provoquer un poids anormalement élevé chez l'enfant.
Les césariennes "à chaud", dites aussi en urgence, concernent les cas ou une pathologie apparaît en cours de travail.
Il existe deux grandes causes : une absence de dilatation du col de l'utérus, une anomalie du rythme cardiaque fœtal, souvent appelée à tort "souffrance fœtale". Certaines manifestations en fin de grossesse, telle une éclampsie (convulsions dues à une hypertension), peuvent aussi imposer une césarienne en urgence car c'est le seul moyen de sauver la mère et l'enfant.
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L'anesthésie générale est moins utilisée
Péridurale ou rachianesthésie, la tendance est à l'anesthésie locorégionale qui permet une analgésie allant du dessous des seins aux pieds. La péridurale consiste à introduire, après anesthésie locale, un cathéter (un fin tuyau) dans la partie basse de la colonne vertébrale.
Grâce à ce cathéter, le médecin peut réinjecter un anesthésiant, ce qui permet de prolonger la durée de l'anesthésie.
La rachianesthésie se fait en un geste unique qui procure 4 heures d'anesthésie. Une péridurale est efficace en 15 à 30 minutes alors que l'effet d'une rachianesthésie est quasi immédiat puisqu'il intervient en 10 secondes.
Restent les cas où l'équipe décide une anesthésie générale : les contre-indications à l'anesthésie locorégionale, une fièvre à 38-39°C car les germes pourraient pénétrer dans l'organisme maternel, les anomalies de la coagulation sanguine ou des anomalies vertébrales (scoliose importante), un mauvais état cutané (boutons enflammés, furoncles).
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Les gestes du chirurgien
Ensuite, l'intervention est simple. Le plus souvent, le chirurgien incise la peau horizontalement à deux doigts au-dessus du pubis, puis la couche de graisse sur l'abdomen et l'aponévrose (la plaque de fibres située devant les muscles). Ensuite, il les écarte (il ne les coupe pas) et ouvre le péritoine avant d’inciser l'utérus puis la poche amniotique dans laquelle se trouve le bébé.
Tout ceci prend entre 3 et 6-7 minutes à l'issue desquelles la sage-femme prend le bébé pour le donner, même un bref instant, à la maman ou au papa avant de le mettre en couveuse s'il a besoin d'être réchauffé.
De nombreuses études et l'expérience, montrent que ce "peau à peau", même rapide, est indispensable à la création des premiers liens mère-enfant. Quand ce moment a été escamoté, les femmes en souffrent, même des années plus tard, en évoquant leur accouchement par césarienne. C'est tellement reconnu que dans les maternités qui accueille des bébés très prématurés ou souffrant de grosses pathologies, le médecin néonatologiste invite souvent le père à le suivre pour qu'il puisse "raconter" l’enfant à la maman.
Après la naissance, le chirurgien vérifie l'utérus maternel et pratique des sutures, ses gestes durant 30 à 45 minutes.
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Comment se passent les jours suivants ?
Cependant, tous les obstétriciens n'utilisent pas la même technique. Quand une césarienne est décidée en urgence, certains préfèrent pratiquer une incision verticale qu'ils jugent plus facile et plus rapide pour extraire un bébé. D'autres ont adopté la technique de "Misgav Ladach", mise au point en Israël par les docteurs Cohen et Stark qui permet, dans nombre de cas, de réduire le temps d'extraction" de l'enfant à moins d’une minute. L'anesthésie étant plus courte et les suites opératoires moins douloureuses, la maman peut mettre son bébé au sein plus facilement.
Inconvénients : bien qu'horizontale, la cicatrice est parfois plus haute et plus longue qu'avec la technique traditionnelle dite de "Pfanenstiel" « Les douleurs post-opératoires sont très vives les premières 48 heures, dit le Dr Darlot. Mais on ne craint plus d'utiliser des antalgiques majeurs pour éviter aux femmes de souffrir. Les anesthésistes spécialisés dans la prise en charge de la douleur ont créé des cocktails efficaces, incluant paracétamol-morphine-anti-inflammatoires, qui ne gênent pas l'allaitement. La montée de lait se fait au troisième jour et les quelques gouttes de morphine que le bébé avale avec le colostrum (le "premier lait") sont sans danger pour lui. »
Quand on a accouché par césarienne, le temps d'hospitalisation dépend, entre autres, de l'environnement de la maman mais aussi de la maternité dans laquelle elle a accouché. Le temps moyen de séjour est de cinq à six jours mais l’équipe obstétricale peut décider de garder une maman plus longtemps, pour des raisons médicales, ou pour des raisons socio-psycho-économiques. A l'inverse, on peut parfois quitter la maternité au bout de trois jours, mais en prévoyant un suivi par une sage-femme à domicile.
En parler pour mieux s'y préparer
En principe, une information sur la césarienne est faite à toutes les femmes dans le cadre de la préparation à la naissance car si certaines savent à l'avance qu'elles accoucheront ainsi, d'autres vont se trouver confrontées à cet acte médical à la toute dernière minute. Or, accoucher par césarienne peut laisser des traces psychologiques auxquelles on ne s'attend pas toujours. Une future maman qui a été prévenue du fait qu'elle accoucherait ainsi a, éventuellement, le temps de faire un travail de deuil sur l'accouchement "naturel" dont elle avait rêvé. De se dire : "Je ne vais pas être une mauvaise mère parce que j’ai accouché par césarienne".
Certaines y parviennent seules ou avec leur compagnon. D'autres ont besoin de parler avec les différents membres de l'équipe obstétricale : d'entendre et de réentendre les raisons pour lesquelles leur accouchement a été médicalisé, que ça ne changera rien à leur vie future et que, probablement, elles pourront accoucher par voie basse la fois suivante...
C'est évidemment plus difficile pour celles qui ont eu une césarienne en urgence. Même si l'équipe l'informe au mieux, la future maman doit, à la fois, faire le deuil d'un accouchement par les voies naturelles et gérer sa peur que son enfant aille mal. Tout cela secoue terriblement la plupart des femmes. Beaucoup ayant, à tort, l'impression d’avoir raté leur accouchement. Face à ce sentiment d'échec, toute l'équipe a un rôle à jouer dans les suites de couches pour les aider à recoller les morceaux.
Elle a vécu la césarienne, elle témoigne
« On m'a volé mon accouchement »
Sophie, 37 ans
« Alors qu’il se présentait par le siège, j’ai accouché normalement de mon premier enfant. Le deuxième avait la tête en bas et tout laissait penser que ça se passerait bien. Depuis le début de la grossesse, j’avais un kyste au niveau du nombril et, bien qu’il se soit mis à rougir, je n’étais pas inquiète. Quand l'obstétricien m’a vu lors de la dernière visite, il a pensé que c'était une hernie ombilicale étranglée qui aurait commencé à s'infecter. On m'a opérée le soir même. C’était une erreur de diagnostic.
Au réveil, on m’a fait un monitoring ; je trouvais que le cœur de mon bébé battait bien, mais une voix a dit : "il bat trop régulièrement". J'ai eu une césarienne en urgence, sous anesthésie générale, la deuxième de la nuit ! À mon réveil, mon mari m’a dit : "c’est une fille ! " Je m’en fichais car je souffrais. On m'a mise sous morphine et je suis devenue euphorique.
Deux jours plus tard, j’étais très malheureuse car j'avais le sentiment que l’on m’avait volé mon accouchement Je n’arrivais pas à faire confiance à ce bébé que je n’avais pas vu naître. J’attends aujourd'hui un troisième enfant, et comme le placenta n’est pas bien placé, il est question de me faire une césarienne sous péridurale. Ainsi, je verrai naître mon bébé, ce qui me semble primordial pour les relations mère-enfant. »
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