Un sentiment fréquent chez les enfants
Caïn tua son frère, Abel, parce qu'il était jaloux de la préférence de Dieu pour ses offrandes. Cela commençait mal pour la fratrie !
La jalousie est un sentiment omniprésent dans la relation entre frères et sœurs. Comment expliquer sa prépondérance au milieu de tous les autres sentiments qui animent cette relation ? Comment apprécier son rôle à la fois destructeur et constructeur ?
S'aimant puis se détestant, rivaux mais complices, les frères et sœurs n'en finissent pas de représenter toute la complexité du cœur humain, avec ses élans et ses déchirements. Pourquoi cette universalité ? Parce qu'au centre de ces relations se pose en permanence la question primordiale "Suis-je aimé ?" et, partant de là, "Comment faire pour qu'on m'aime ?"
Que se passe-t-il dans la tête de l'enfant
Parents, attention la jalousie est normale, c'est un sentiment naturel que chaque enfant éprouve. Comment ne pas être jaloux de l'amour qu'on voit dans les yeux de maman pour un autre que soi ? Comment ne pas être jaloux de la beauté, de l'adresse, de la réussite qui passent à côté de vous ?
Les parents peuvent comprendre ce qui se passe dans la tête de leur enfant et l'aider à surmonter cette profonde douleur. Admirons la finesse de l'enfant aîné quand on lui parle d'une future naissance : "Voudrais-tu un petit frère ou une petite sœur ?" Si l'aîné répond "une petite sœur", c'est peut-être parce qu'il a ainsi l'assurance de rester le petit garçon préféré de sa maman... S'il veut un petit frère, c'est sans doute parce qu'il a trop entendu dire que sa mère adorerait avoir une petite fille.
L'enfant choisit toujours le sexe de son cadet en fonction de ce qu'il estime être le moins dangereux pour lui, le moins susceptible de bouleverser ses relations affectives avec ses parents.
La fille, plus apte à concevoir la future maternité de sa maman comme un rôle qui sera aussi le sien plus tard, accepte mieux un bébé du même sexe qu'elle parce que c'est d'abord un bébé, avant d'être une fille ou un garçon.
Mais, lors d'une deuxième naissance, le sentiment qui prévaut chez tous les enfants, c'est la jalousie !
La peur de perdre l'amour de ses parents
Complexité des sentiments, paradoxe absolu : alors qu'un nouvel enfant entre dans la famille, l'aîné ressent, en plein cœur, cette arrivée comme une perte immense. Le bébé est l'ennemi qui dérobe ce qu'il a de plus précieux l'amour des parents !
Et cela ne suffit pas encore à sa détresse, il va falloir en plus composer avec cet "ennemi" pour ne pas perdre totalement l'amour des parents. Les adultes se rendent-ils compte de l'immense effort psychologique, de la diplomatie, de l'intelligence de comportement, que cela suppose de la part de l'aîné ?
De prime abord, la jalousie s'insinue dans son cœur comme un poison qui fait terriblement souffrir. Le puîné contraint l'aîné à partager la mère, lui arrachant sa prérogative d'enfant roi, d'enfant unique dans tous les sens du terme, sans être pour autant, lui-même, épargné par la jalousie.
A cause de lui vont se poser de nouvelles et étranges questions : "Mais d'où vient donc ce bébé ? Que s'est-il passé dans le ventre de maman ? Qui donc a bien pu le mettre là ?" Quel casse-tête ! Quel casse-pieds, ce bébé !
L'envie de redevenir petit
Quelle solution imagine l'aîné pour se tirer de tous ces mauvais pas ? Astucieuse et logique : redevenir petit !
Faire pipi au lit, sucer son pouce, réclamer un biberon, tout est bon essayer d'être comme lui, un bébé aimé et admiré de tous. Et voilà que cette solution ne plaît pas du tout, mais alors pas du tout. C'est à n'y rien comprendre !
Mais que faut-il donc que je fasse ? "J'ai mal au ventre, j'ai mal à la tête, j'ai pas faim, je grogne, je pleure, j'ai des cauchemars, j'en ai marre ! " Parfois, l'agressivité se retourne violemment contre l'autre, les disputes s'enchaînent et se ressemblent : "C'est à moi ! je le veux ! tu ne l'auras pas ! " suivies de bonnes empoignades.
Prudence même si, le plus souvent, les menaces assassines restent verbales. Parents, restez vigilants autour des berceaux !
Laissez s'exprimer la frustration
Les premières expressions de la jalousie, si elles sont mal comprises ou réprimandées, peuvent conduire l'aîné à dissimuler ses affects afin de n'être pas exclu de l'affection de ses parents. Nous vous conseillions de le laisser dire ce qu'il a sur le cœur.
Exprimer sa jalousie est donc tout aussi naturel que de la ressentir. On ne peut pas empêcher un enfant d'en souffrir, cependant on peut l'aider à la surmonter.
Les conseils : intervenir le moins possible, éviter les injustices. Privilégier un temps, seul à seul, avec chaque enfant, ne pas les comparer, accepter leurs incessantes compétitions à condition qu'elles soient "loyales".
Être deux, ça rend fort
Les rivalités peuvent être heureuses, stimulantes, fruits d'une joyeuse complicité entre frères et sœurs. La liste des champions qui sont issus d'une même fratrie est époustouflante les sœurs Williams, reines du tennis les frères Schumacher en Formule 1 les Jalabert sur leurs vélos...
Venus Williams nous livre d'ailleurs l'une des clés de ce succès : « Être ensemble nous rend fortes. » Au sein de la fratrie, on apprend la solidarité, la confiance, le plaisir de gagner ensemble. La jalousie entre frères et sœurs permet d'être sans cesse aiguillonné pour se dépasser soi-même et dépasser l'autre, complice et rival toujours présent.
Accepter que cette jalousie fasse partie de notre vie sans nous dévorer, c'est apprendre à supporter les frustrations, à comprendre l'autre, à respecter son espace et à faire respecter le nôtre. Bref, c'est se préparer aux épreuves de la vie !
Chacun d'entre nous nourrit le fantasme d'être un être unique, d'être seul à compter pour les autres et dans le monde. Abandonner cette idée est difficile, mais nécessaire pour vivre parmi les autres, avec toute sa vulnérabilité.
L'histoire des parents se répète
Les parents ont également eu des frères et sœurs. Ils s'en souviennent lorsqu'ils regardent leurs enfants s'amuser ensemble ou se disputer comme des chiffonniers en se gardant souvent d'intervenir. Ils ont connu l'amour et la haine pour celui qui, à côté d'eux, accaparait, pour un instant de trop, l'attention des parents.
Il est toujours éclairant de prendre en compte l'histoire des parents. Grâce à leur enfant, ils peuvent revenir en arrière, réfléchir et ressentir à quel point ils n'ont pas soldé leurs conflits avec leurs propres frères et sœurs. Il est souvent étonnant de constater que leur enfant connaît les mêmes difficultés, au même stade d'évolution et dans des circonstances similaires.
La famille est le lieu privilégié des premières expériences fondatrices, qui se poursuivent de génération en génération. Ainsi, chaque famille a son style, son climat, ses habitudes, qui se perpétuent.
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