« À chaque fois, il trouvait une bonne raison pour boire : un dossier important qui le stressait, la signature d'un nouveau contrat, un match de foot avec les copains, témoigne Hélène, 47 ans. J'avais beau lui dire qu'il buvait trop, il ne me croyait pas. Ou ne voulait pas me croire. »
Accro à la cigarette, à la boisson ou aux jeux... Votre conjoint refuse de changer de comportement malgré vos demandes et supplications. Mais est-ce si facile ?
Les gens pensent qu'il suffit de vouloir arrêter pour que ça marche. Mais l'addiction est une maladie qui nécessite une prise en charge médicale. Si le conjoint peut aider, son seul soutien ne suffit pas.
Comment peut-on définir l'addiction ?
C'est l'impossibilité totale de contrôler un comportement ou une consommation en dépit des conséquences négatives que cela implique.
Je m'efforce de le comprendre
La dépendance peut se greffer sur une substance (alcool, cigarette, cannabis...), mais aussi sur un comportement (jeux, sexe, travail...). Toutes les addictions sont des maladies de la gestion du plaisir et des émotions. Même si le ratio de femmes addicts augmente chaque jour un peu plus, les hommes restent loin devant les premiers concernés. Une raison à cela ? Davantage attirés par les sensations fortes et l'idée de transgression, ils tomberaient plus facilement dans l'engrenage.
Le contexte social favorise également les exacerbations de comportement : la pression économique, les stratégies de management poussent à la performance et au surmenage. L'addiction, c'est le moyen de garder un certain degré d'excitation ou, au contraire, de trouver l'apaisement.
Je l'encourage à consulter
Même si les hommes sont les premiers concernés par les addictions, beaucoup de femmes se rendent chez le médecin… pour leur mari. La situation est toujours la même : leur conjoint est addict depuis des années et elles ne savent plus aujourd'hui comment réagir.
Il faut souvent longtemps à la femme d'un mari dépendant pour demander de l'aide. Pourquoi attendre autant de temps ? Parce que la relation conjugale rend la situation très paradoxale : par respect pour la liberté de leur conjoint, certaines femmes préfèrent ne pas intervenir. Ce qui fonde le lien conjugal pousse au déni…
La dépendance s'installe progressivement et de manière insidieuse, et toute la vie de famille s'organise autour de celle-ci. Ainsi, la partenaire d'un homme addict affiche souvent deux comportements contraires : si elle peut se montrer très directive par moments (« Je t'interdis de boire, tu consommes trop d'alcool »), elle peut aussi encourager involontairement la dépendance, pensant en quelque sorte se montrer compréhensive et ouverte (« Nous allons aller jouer tous les deux un peu d'argent au casino si tu veux »,« Je te sers un petit verre pour ton anniversaire ?).
Pourtant, les menaces, comme la complaisance, sont inutiles. Il est important de maintenir une demande suffisante et régulière pour l’amener à arrêter. Le désir de changer ne se fera pas sentir tout de suite, mais c'est l’aider à prendre conscience que quelque chose ne va pas et l'encourager à aller consulter.
Je le soutiens dans son traitement
Le médecin généraliste est la première personne à aller consulter. C'est lui qui vous orientera vers les bons interlocuteurs. Le traitement se fait ensuite en trois étapes :
Un temps d'information
C'est le moment de changer votre regard sur l'addiction. Il est important pour vous et votre conjoint de comprendre que l'addiction ne dépend pas de sa seule volonté mais qu'en revanche il est de sa responsabilité de se soigner !
Un temps de motivation
Il s'agit de faire un "bilan de liberté" dans tous les domaines pour que votre partenaire prenne conscience des bénéfices immédiats et à long terme s'il arrête sa consommation ou son comportement abusif.
Le sevrage
Les médecins déterminent des objectifs à atteindre sur des périodes très courtes, pour les rendre moins difficiles à atteindre : que la personne comprenne rapidement les bénéfices de la liberté retrouvée. Par exemple, ne pas boire pendant une journée est un pas mesurable.
Soutenir son conjoint dans son traitement, c'est donc bien connaître le fonctionnement de l'addiction (pour ne pas mal agir sans le savoir) et réussir à trouver ensemble un nouvel équilibre de vie.
« Même si j'étais très soulagée qu'il arrête les jeux sur Internet, raconte Marie-Christine, le retour à la vie normale a finalement été très dur pour nous tous. J'envisageais tellement ce moment comme la fin de nos problèmes, j’étais loin du compte. Lui qui avait négligé les enfants pendant presque dix ans, Il a voulu superviser toute leur vie, gérer notre quotidien de couple. J étouffais complètement. Ma fille a quitté la maison. À force d'efforts et de beaucoup de patience, rapprends à lui refaire confiance, j’arrête de stresser quand il a du retard le soir, j'arrive à le laisser seul avec les enfants... La vie n'est pas la même qu'avant mais elle s’organise petit à petit. »
Comment savoir s'il est dépendant ?
Les signes à repérer
- Il a des habitudes de consommation ou de comportements très réguliers qu'il ne peut pas contrôler.
- Le temps passé à ces habitudes prend une place très importante dans son quotidien. Ou encore, une bonne part de son temps est pris par des effets secondaires de son addiction, par exemple dans le cas de l'alcool.
- Il s'éloigne de plus en plus de ses proches et perd tout intérêt pour des choses ou des activités qu'il appréciait auparavant.
Tous les hommes sont-ils égaux face au risque de dépendance ?
Non, certains seront plus vulnérables que d'autres. Les études ont montré que les personnes ayant des antécédents familiaux de dépendance sont plus touchées.
Une consommation précoce favorise aussi l'addiction.
Exemple : plus une personne boit jeune, plus les risques de dépendance à l'alcool sont majorés. Enfin, on remarque que parmi les personnes dépendantes, on trouve souvent des hommes particulièrement extravertis ou introvertis : ils utilisent un produit ou un comportement comme stimulant ou comme moyen de se désinhiber.
Comment aider son conjoint à ne pas rechuter ?
Il faut remplir la place de l'addiction avec d'autres ivresses : un grand défi à vivre à deux ! Le sevrage crée de vrais bénéfices.
Autant en profiter ensemble pour nourrir sa vie conjugale. On peut utiliser cette liberté retrouvée pour se lancer dans de nouvelles expériences : création artistique, activité sportive... Le principal est de combler le vide avec des choses agréables. C'est le meilleur moyen pour qu'il ne retombe pas dans la dépendance.
Les hommes sont- ils plus faciles à soigner que les femmes ?
Oui, en quelque sorte. L'addiction féminine est souvent intriquée à une dépression et le traitement nécessite alors une psychothérapie pour trouver les causes psychologiques. C'est rarement le cas pour les addictions masculines.
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