Alors que ses principaux organes se mettent en place pour assurer toutes les fonctions vitales après sa naissance, le fœtus développe aussi tous les systèmes sensoriels qui l'aideront à sentir, goûter, voir, entendre et toucher après sa venue au monde.
Pour autant, même si toute la machinerie physiologique est prête in utero, certains sens commenceront à s'éveiller assez précocement, là où d'autres devront attendre la fin de la grossesse, voire la naissance (c'est le cas de la vision) pour devenir véritablement fonctionnels.
Aujourd'hui, des expériences scientifiques viennent appuyer ce que les mamans soupçonnent depuis toujours : au chaud dans son cocon utérin, bébé ressent, à sa façon, le monde qui l'entoure avec des sens déjà bien en éveil.
Il prend conscience de son corps
Il est le premier des sens à se mettre en place pendant la vie intra-utérine, dès le cinquième mois, au moment des coups de pied dans le ventre. On parle couramment de toucher, mais le nom scientifique de ce sens est somesthésie.
La somesthésie, c'est ce que l'on ressent quand il est au repos ou en mouvement. La somesthésie, c'est en fait le sens mécanique des formes et des mouvements de son corps. En gigotant dans tous les sens, le fœtus apprend son corps. Il construit ce que l'on appellera plus tard son schéma corporel.
Un fil conducteur olfactif pour l'allaitement
Autre sens méconnu : l'odorat ou olfaction. On le considère souvent comme un sens mineur chez l'homme, un sens primitif qui serait davantage développé chez les animaux aux prises avec la nature, mais qui ne serait plus d'un si grand intérêt chez des êtres évolués comme nous. Pourtant, il semblerait que ce sens se développe dès le septième mois de la vie intra-utérine et joue un rôle majeur dans les premiers moments de sa vie.
En effet, certaines molécules olfactives contenues dans les aliments consommés par la mère passent la barrière du placenta et imprègnent le liquide amniotique dans lequel baigne le bébé... Les scientifiques pensent que le liquide amniotique, puis le colostrum (substance nourrissante sécrétée par les seins avant la montée de lait) et, enfin, le lait maternel, partagent certaines odeurs. Après sa venue au monde, le bébé garderait la mémoire de certaines odeurs ressenties in utero. Ce fil conducteur de familiarité olfactive faciliterait la prise du lait maternel à la naissance assure les spécialistes.
Des études menées chez l'animal puis chez l'homme ont clairement établi ces faits. Des médecins ont demandé à des femmes enceintes de consommer de l'anis au cours des deux dernières semaines de gestation. À la naissance, ils ont testé les enfants pour voir s'ils pouvaient distinguer cette odeur d'anis d'une odeur témoin. Et il s'est avéré que les enfants dont la mère avait consommé de l'anis montraient une préférence pour cette odeur, car ils orientaient plus souvent la tête de son côté.
On pourrait s'étonner que des fœtus puissent sentir des odeurs alors qu'ils évoluent en milieu aqueux, dans le liquide amniotique qui baigne l'utérus. Bien sûr, la respiration par le nez et les poumons ne fonctionne pas encore, puisque les échanges respiratoires se font par le cordon ombilical. Mais les récepteurs sensoriels, eux, sont bien en place au niveau des fosses nasales. De plus, les interactions entre les molécules d'odeurs et les récepteurs de l'olfaction se font toujours en milieu aqueux.
Même pour nous, adultes, qui évoluons en milieu aérien, toutes les molécules doivent traverser une fine couche de mucus aqueux qui tapisse les fosses nasales.
Une préférence pour le sucré ?
L'odorat et le goût sont deux sens très intimement liés puisque 80 % de la saveur des aliments que nous consommons est due aux molécules olfactives qu'il libère et non aux molécules sapides (les molécules du goût). Qu'en est-il alors du développement du goût dans la vie fœtale ? Celui-ci reste mal connu. Les chercheurs ont néanmoins remarqué que tous les nouveau-nés aiment le goût sucré.
Or, on sait que le lait qui contient beaucoup de lactose (le lactose est un glucide, donc il appartient à la famille des sucres) est doux au goût, voire sucré. Il existe peut-être une sorte de programmation pour intéresser le bébé au lait dès la vie intra-utérine, mais rien n’a encore été prouvé scientifiquement.
Il est sensible à la voix de sa maman
Dans son cocon utérin, le bébé entendrait dès le sixième mois de grossesse. Et son système auditif s'affûterait au cours du troisième trimestre de grossesse. Avant tout, il entend le brouhaha que fait l'organisme de sa mère en pleine activité, comme les sonorités du système digestif ou celles du placenta. Il est aussi bercé par les battements réguliers du cœur de sa maman. L'intensité de ces bruits intra-utérins avoisinerait les 30 décibels, c'est-à-dire compris entre un chuchotement et un bruit de fond dans une pièce calme.
A ces bruits internes, s'ajoutent ceux de l'environnement extérieur. Mais tous ne parviennent pas jusqu'au système auditif du fœtus. Le fœtus entend-il la musique ambiante de votre salon ? Un bébé de huit mois peut reconnaître une mélodie, c'est- à-dire une suite de notes sans accompagnement, entendue in utero. Et reconnaît-il la voix de sa maman ? Il semblerait que le fœtus ne comprenne pas les paroles prononcées par sa mère ou toute autre personne. En revanche, il serait sensible à l'intonation et aux rythmes des voix.
Une étude récente a montré qu'il perçoit aussi les sonorités propres, les phonèmes de sa langue maternelle. Il ne s'agit ni des mots, ni du sens, mais de sons. C'est la voix du sang en quelque sorte. En tout cas, des éléments se mettent en place pour favoriser l'apprentissage de la langue maternelle.
Les chercheurs ont mesuré la vitesse de réaction de leur cerveau quand ils leur faisaient entendre des sons de leur langue maternelle et issus d'autres langues. Et il s'est avéré que leur cerveau réagissait plus vite devant les sons de la langue maternelle, alors que les enfants ne parlaient pas cette langue ! Incroyable, non ?