Rouge, pataud, traînant les baskets et fixant la moquette... l'ado timide vient d'entrer en scène. Situation connue, au point que la timidité est considérée comme un passage obligé. À tort, car elle peut parfois être une situation à risque.
La timidité peut avoir plusieurs visages
Il y a d'abord l'ado inhibé incapable d'écouter, de communiquer, de dire non, hanté par la peur de mal faire.
Il n'ose pas, sauf lorsqu'il est scotché à un copain. Appréhende l'entrée en faculté, une situation nouvelle. "Je n'y arriverai pas", se dit-il. Il y a le provocateur, qui exprime sa timidité par fuite en avant. Agression et sarcasmes à l'appui. Si cet ado "provocant" n'est pas perçu comme un timide, ce comportement cache pourtant une mauvaise image de soi.
Signes d'inquiétude
Enfin, il y a celui qui a peur de réussir. La timidité se réveille lors d'un événement clé (bac français, épreuve sportive...). A terme, cet ado en proie à une anxiété de performance évite ce qui est personnel. Jamais il ne dit "A mon avis" ou "Je pense que..." C'est l'ado "au moule", ne pouvant s'épanouir et s'exprimer en situation d'évaluation.
La timidité est certes une réaction naturelle, une étape normale du développement, mais il ne faut jamais la banaliser. Quand elle devient envahissante, elle peut bloquer l'enfant et entraver son développement. Ainsi, l'ado qui évite les exposés, ne téléphone jamais, n'ose pas sortir... construit un vrai réseau d'évitement.
A force de rumination anxieuse, il se ferme à la réalité et voit tout en noir.
« Je n'ai pas de copains, je suis nul.. » pense-t-il, centré non sur ce qui se passe vraiment, mais sur ce qu'il imagine. Il ne met jamais cette conception pessimiste à l'épreuve et devient imperméable aux encouragements, alors que l'on a besoin d'écouter l'opinion des autres pour se forger une image de soi.
Comment différencier la timidité en tant qu'étape naturelle à l'adolescence d'une vraie souffrance qui s'installe ? « L'inquiétude est de mise seulement si cela dure au-delà d'un an », répond Veronique Dufour, psychologue. Et d'ajouter un autre signal d'alarme : la somatisation.
Attention aux adolescents malades avant les contrôles, à ceux qui ne dorment pas... Constance et somatisation témoignent d'une installation du trouble en profondeur. Suit le renoncement, la passivité avec, toujours présents, la souffrance, le repli.
A l'horizon, le risque de timidité de l'adulte, jamais sûr de lui, incapable de parler en public... car les ados maladivement timides deviennent des adultes angoissés. « La phobie sociale débute toujours à l'adolescence », insiste Veronique Dufour. Sans parler des graves conséquences d'une éventuelle phobie scolaire, de possibles troubles dépressifs.
Des thérapies sous forme de jeu pour vaincre la timidité
Si rien ne bouge, il ne faut pas hésiter à consulter, sans attendre la demande des adolescents, qui s'expriment peu. Une psychothérapie active va les aider à valoriser leur image et à exprimer leurs sentiments. L'expérience montre que, dès les premiers contacts, les ados répondent bien et ne vivent pas les séances comme une contrainte.
Il existe des thérapies de groupe axées sur la communication. Le principe inciter le jeune à jouer ce qu'il n'arrive pas à faire au quotidien. Un ado interprète une situation (refuser, répondre à une critique), les autres analysent les blocages, suggèrent des solutions, miment leur version... Tous prennent ainsi conscience de la peur des autres et s'inspirent de leurs trucs.
« Au début, on impose des thèmes, puis ils se lancent dans l'improvisation jusqu'à oublier qu'ils sont dans un groupe », dit Veronique Dufour. Le changement est net en un trimestre. Il faut compter une année scolaire pour que l'adolescent puisse exprimer facilement ses émotions.
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